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Brest manifeste sa colère contre la réforme du collège



L'avant du cortège de la manifestation contre la réforme du collège, mardi 19 mai , à Brest, remontant la rue Jean-Jaurès. Photo : Marc Gidrol


 Environ 300 personnes dont de nombreux professeurs des collèges brestois, publics comme privés, ont manifesté leur désapprobation de la réforme du collège mardi 19 mai, de 11 h à 12 h au centre-ville. Même le climat a offert une éclaircie le temps de la manifestation, entre deux averses.

Pour M. Benoit Jeanjean, professeur de latin à la faculté des Lettres et Sciences sociales Victor Ségalen à Brest, « cette réforme vient couronner une politique détestable envers les langues anciennes considérées avec mépris depuis environ vingt ans ». « Il y a un déni de ces disciplines en tant que disciplines, elles sont considérées comme une plus-value culturelle », tempête le professeur universitaire. M. Jeanjean regrette qu’il ait fallu « une levée de boucliers de la part des enseignants et de la majorité des intellectuels pour que la ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Mme Najat Vallaud-Belkacem prenne en compte les langues anciennes ». « Elle transforme cela en lutte politique, mais c’est une lutte culturelle », analyse-t-il. 

Il ne démord pas de la proposition des professeurs de Lettres classiques : « Le latin pour tous en 5ème, et ensuite les élèves peuvent choisir en connaissance de cause ». « Mais ça coûte cher ! c’est une question de financement », lâche-t-il. M. Jeanjean craint qu’avec cette réforme, suivant les « choix faits par les établissements, des inégalités se creusent encore plus ». « Cette réforme va inciter les gens à privilégier le privé. C’est désolant ! on est en train de nous détruire l’école de la République », se lamente-t-il encore.
Monsieur Benoit Jeanjean, professeur de latin à l'UBO, manifestant sa colère contre la réforme en brandissant une pancarte dont un côté porte l'inscription : "C'est Amadeus qu'on assassine" et de l'autre côté le titre en latin d'une œuvre de ce musicien de génie : "Dies irae". "Jour de colère". Photo : Marc Gidrol


Pour la CGT Éducation, cette réforme est dans la suite logique du collège unique qui a massifié la scolarité jusqu’à 16 ans mais qui a entraîné des inégalités. « Le collège unique favorise une orientation subie à la fin de la 3ème. Ce qui en fait un collège à deux vitesses. Avec cette réforme, nous aurons une école minimaliste pour une catégorie d’élèves. La réforme du collège va engendrer l’autonomie et la mise en concurrence des établissements scolaires entre eux. De plus, cette réforme va entraîner une dégradation des conditions de travail pour les enseignants. Nous réclamons un effectif maximum de 20 élèves par classe et de 15 élèves en Zone d’Éducation prioritaire (ZEP) ». 
Le cortège des manifestants remontant la rue Jean-Jaurès. Photo : Marc Gidrol.


Sud- Éducation considère cette réforme comme dangereuse aussi par rapport à l’autonomie des chefs d’établissements. « Comment peut-on imaginer qu’un tel dispositif pourrait fonctionner ? Les enfants de classe sociale défavorisée sont de plus en plus scolarisés entre eux. Avec cette réforme, on s’éloigne insidieusement du projet du collège unique. Ce n’est pas plus de hiérarchie dont nous avons besoin mais le contraire ». Quant à la droite, opposée aussi à cette réforme, elle n’est pas épargnée dans le discours du représentant syndical de Sud-Éducation : « Les critiques que la droite adresse pourrait faire passer cette réforme pour un projet progressiste, il n’en est rien ».

Le discours commun des deux syndicats Snep-Fsu et Snes-Fsu oppose un non catégorique. « Les inégalités augmentent et la concurrence entre les établissements, les disciplines et même entre les collègues enseignants entre eux fait des ravages depuis de nombreuses années. Pour nous, c’est non ! Cette réforme, c’est un copier-coller des éléments les plus négatifs des réformes antérieures ». Ces deux syndicats demandent une diversification des parcours pédagogiques. Ils exigent également comme Sud-Éducation, une baisse significative des effectifs par classe. Ils insistent pour que « les langues régionales (soient) confortées ainsi que le latin et le grec ».

Le représentant du syndicat FO, qui avait une voix puissante, considère la réforme du collège comme la volonté d’imposer le modèle américain désormais mondialisé. « Dans le second degré la dégradation du statut des enseignants a déjà commencé. FO défend le droit à l’instruction et à la liberté pédagogique ».

Najib, un enseignant et syndicaliste tunisien, de passage à Brest a livré son point de vue : « En Tunisie, il y a eu un bras de fer entre les enseignants et le gouvernement. Le gouvernement tunisien a voulu diminuer le volume horaire des enseignants à 15 h / semaine seulement. Nous avons fait 6 jours de grève. L’union des enseignants peut déboucher sur de grands objectifs ». « Le gouvernement n’a qu’à s’incliner », adresse-t-il aussi bien au gouvernement tunisien comme au gouvernement français. Avant de conclure : « Cette réforme du collège en France est un danger pour l’école publique ». 
Pancarte brandie par une enseignante lors de la manifestation. Photo : Marc Gidrol


J’ai interrogé un professeur de français et de latin, présent à cette manifestation, M. Jérôme Guégan, du collège Sainte Marie à Guilers, de l’enseignement catholique sous contrat avec l’État. L’enseignement privé sous contrat est moins mobilisé contre cette réforme. Il m’a informé que les trois syndicats de l’enseignement privé sont favorables à la réforme du collège. Étonnant ! comme il le pense lui-même. « Je n’arrive toujours pas à me l’expliquer », se demande-t-il perplexe. « Depuis quelques années, une fâcheuse tendance pousse à ne garder à l’école que ce qui est utile », déplore-t-il. 

« La réforme Châtel auparavant avait déjà œuvré en ce sens ». « Ils sont en train de saper notre langue, le français, dont l’origine est le latin. On oublie les vertus anciennes, la virtus chez les Romains, mot qui était très important chez eux ». « Au fond, ils sont cohérents avec eux-mêmes, par cette réforme, quand on voit que même une ministre de la République affirmait ne pas connaître de romans de Modiano parce qu’elle n’a pas le temps de lire ! Pour ne parler que du français, c’est un massacre ! Avant les enseignants suivaient un programme chronologique en cohérence avec le programme d’histoire. Maintenant nous devons traiter des chapitres qui n’ont plus de rapport les uns avec les autres ». 

Il m’a donné un intitulé de chapitre : « Amis, familles et réseaux entre épanouissement et enfermement ». Il regrette aussi que des pans du programme soient remplacés par l’enseignement de la culture numérique, du montage vidéo ou du développement durable. « Qu’est-ce qu’on met derrière ces mots ? » se demande-t-il. Il dénonce une vaste entreprise voulant « remplacer la vraie culture par un pseudo langage, une novlangue utilitariste et anti-culturelle ».  

Une partie du cortège de la manifestation. Photo : Marc Gidrol


Les enseignants de nombreux collèges brestois sont vents debout contre cette réforme inutile et dangereuse. Inutile, parce qu’en dépit de ce que proclame le gouvernement et la ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Mme Najat Vallaud-Belkacem, le collège s’adapte à tous les types d’élèves et propose un vaste choix de parcours d’excellence pour tous à travers les classes bilingues, la section européenne et les options de langues anciennes avec le latin et le grec proposés à tous à partir de la 4ème

Cette réforme est de plus dangereuse, car elle va mettre en concurrence encore plus l’enseignement privé et public, concurrence déjà bien engagée depuis de nombreuses années par la carte scolaire aisément contournée par les familles aisées. Les parents qui en ont les moyens pourront mettre leurs enfants dans les collèges privés qui eux apprendront le latin et / ou le grec, alors que ceux des classes populaires dans l’enseignement public n’auront même plus le choix. La majeure partie des intellectuels sont opposés à cette réforme, les « pseudo-intellectuels », comme les a appelés la ministre elle-même d’une formule méprisante.

Environ un tiers des enseignants de toutes matières et du public comme du privé sont ensemble contre cette réforme inique. Pourquoi et comment expliquer une telle opposition, si cette réforme assurait vraiment l’égalité entre les élèves et si elle élevait le niveau d’éducation, ce qui est le but de tous les enseignants. En discutant avec une professeure d’allemand en classe bilingue, elle m’a assuré que « celles-ci ne sont pas élitistes, contrairement à ce qu’avance la ministre, n’importe quel enfant de quelques conditions sociales que ce soient peut s’inscrire dans cette démarche, après ça demande juste des efforts de sa part ».

J’ai envie de proclamer la formule consacrée lors des manifestations : « Ce n’est qu’un début continuons le combat ! ». Et rappelez-vous la célèbre maxime latine : « Non scholae sed vitae discimus ». Ce qui veut dire : « nous n’apprenons pas de l’école mais de la vie ». L’école n’est qu’un moyen pour apprendre les fondamentaux et tous les savoirs, mais un moyen irremplaçable. C’est pour cela que l’école est sacrée. « Dies irae ». « Jour de colère », c'est le titre d’une partition musicale de Mozart qui s’applique bien à la lutte contre cette réforme et qui était inscrite sur un panneau tenu par M. Jeanjean en étendard lors de cette mémorable manifestation.

Marc Gidrol 

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