Les questions épineuses en
rapport avec l’actualité locale comme nationale ne manquaient pas au premier
conseil municipal de Brest pour la saison 2015-2016, qui s’est tenu jeudi 1er
octobre. En effet, près de deux heures ont été consacrées à ces questions
préliminaires avant le vote des délibérations, alors que d’habitude, seulement
10 à 20 minutes y sont alloués en début de séance.
D’entrée de jeu, Bernadette
Malgorn, la chef de file tonitruante et « irremplaçable » selon les propres mots de M. François
Cuillandre, le maire, du groupe de l’opposition de droite et du centre,
Rassemblement pour Brest (RPB), a frappé fort. Voyant le déni de la réalité par
le maire et son équipe municipale sur la situation de Brest elle a tenu à
rappeler celle-ci. « Notre ville a
bien des égards va mal ! Sa population diminue, ses logements se vident.
Le chômage frappe de plus en plus nos concitoyens. Le tissu économique se
fragilise, les activités commerciales de proximité sont en danger comme l’a
montré le diagnostic des assises du commerce ; les conditions de vie dans
beaucoup de quartiers se dégradent ». « Dire cela, ce n’est pas verser dans le déclinisme ou le pessimisme.
C’est au contraire appeler à un sursaut ».
La gauche brestoise s’empare de la
question de l’insécurité
Mais un infléchissement se fait
jour dans le discours de la majorité municipale sur le thème de la sécurité par
la voix de Mme Patricia Salaün-Kerhornou, adjointe au maire, chargée de la tranquillité
urbaine et de la prévention des risques. Ce dont se félicite l’opposition par
la voix de Mme Christine Margogne, Brest Alternative (BA) : « Je remercie Mme Salaün-Kerhornou, je suis
très contente de voir que vous prenez conscience des problèmes liés à
l’alcoolisme.
Mme Salaün-Kerhornou rappelle le
coût des addictions : 250 milliards
d’euros par année. L’alcoolisme entraîne en plus des problèmes en chaîne comme
l’isolement social, des violences dans les familles, …. « Est-il normal de consommer de l’alcool
jusqu’à l’ivresse sur la voie publique ? » questionne l’élue.
« Le vivre ensemble, c’est partager
des valeurs communes et un espace commun » rappelle l’élue. Elle
rappelle aussi que l’ivresse sur la voie publique entraîne environ 60 interpellations
par mois sur Brest.
Pour traiter de l’alcoolisation
dans l’espace publique elle annonce une enveloppe de 100 000 € pour
rénover les bureaux de police de quartier, notamment ceux de Lambézellec, de
Bellevue et de Saint-Martin. Bernadette Malgorn ne reste pas insensible à cette
annonce : « J’apprends que
vous avez l’intention de participer à la rénovation des cellules de dégrisement
de la police, mais il faut savoir quelle est l’utilité à rénover les
commissariats ? » Elle pointe le déni de l’insécurité par la
municipalité socialiste. « Vous
vous obstinez à ne voir dans cette dérive d’actes délictueux et de violences urbaines
que des “actes isolés et exceptionnels“
(en italique dans le texte). « Mais
la réalité est tout autre là. Ceux-ci n’ont cessé de croître en nombre et en
intensité ». Les « responsabilités
particulières incombent au premier magistrat d’une ville en matière de sécurité »,
énonce-t-elle.
Le groupe RPB réclame des mesures
fortes de la part de l’État comme de la ville, pour endiguer la montée des
violences urbaines. Tout d’abord, ses élus réclament la création d’une zone de
sécurité prioritaire (ZSP) par l’État. C’est un « dispositif qui a démontré l’apport de réponses durables et concrètes
aux territoires souffrant d’insécurité et de délinquance enracinées »,
présente Mme Malgorn. Elle demande aussi « un audit sur les antennes de police de quartiers pour en vérifier
l’efficacité et un redéploiement des forces dans une Brigade Anti Criminalité
(BAC) de jour ». Elle réitère sa demande auprès de la municipalité
comme elle l’avait déjà fait lors des élections municipales de mars 2014 d’une
mise en place d’une police municipale et du « déploiement d’une vidéo-protection ». François Cuillandre
réagit à ces propos : « Mme
Malgorn, qui fait l’audit sur les antennes de police ? Celle-ci répond
qu’ « il y a un certain nombre
de Brestois à prendre en compte, mais vous les réduisez à 0 »,
assène-t-elle sévèrement. « Il
appartient au premier magistrat de la ville de définir la politique sécuritaire »,
répète-t-elle.
Quand on parle d’insécurité à
Brest on ne peut pas faire l’impasse sur un quartier qui défraye la chronique
depuis des années et des années maintenant, je veux parler du quartier HLM de
Pontanézen dans le quartier de l’Europe, bien sûr. Mme Nathalie Collovati, du
groupe BA énumère aussi la longue liste de faits de violence qui ont secoués la
ville et plus particulièrement Pontanézen au cours des derniers mois comme la
fusillade du 15 juin dernier sur le parking d’un magasin de sport à Kergaradec
avec des balles de 9 mm
parabellum. Elle avertit que « les
actes ne sauraient occulter une délinquance protéiforme et ordinaire ».
« Les actes de violence gratuite
ont augmenté de 42,9 % au premier semestre 2015 », expose-t-elle.
« Dans au moins 50 % des cas, les
auteurs sont des jeunes de moins de 25 ans ».
Mme collovati rappelle aussi que
« dans 25 % des cas, la vidéosurveillance
dans le tram et les commerces ont permis de retrouver les auteurs de tels faits ».
Elle plaide elle aussi en faveur de la vidéo-surveillance et de la police
municipale en évoquant des villes gérées par des maires socialistes ralliés à
ces solutions. « Le Mans va se
doter à partir du printemps prochain d’une police municipale, après s’y être
longuement opposé et Martine Aubry va installer des caméras à Lille ».
À propos du centre social
Horizons de Pontanézen qui a été détruit dans un incendie criminel en décembre
dernier, le maire-adjoint du quartier de l’Europe, Hosny Trabelsi, dont dépend
cette cité HLM stipule que ce centre social est « une nécessité pour une cité de 4 000 habitants ». « Il y a la volonté de tous pour participer à
une structure plus dynamique », dit-il aussi. « Cette jeunesse représente un atout pour
notre agglomération », plaide encore M. Trabelsi. Le centre Horizons
après des travaux rouvrira fin janvier 2016.
L’imam de la mosquée Sunna de Pontanézen
et la montée du radicalisme
Mme Bernadette Malgorn interpelle
le maire sur la question de l’imam salafiste de Pontanézen. « Nous vous avons alerté à l’occasion de la
demande de permis de construire pour une école coranique. Nous n’avons pas eu
le droit à une réponse sérieuse », déplore-t-elle. « Aujourd’hui, nous voyons que c’est la
petite enfance qui est menacée d’embrigadement », s’inquiète-t-elle.
Selon elle, cette école « justifie
une alerte de la MIVILUDES
(Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives
sectaires) pour un audit sur les risques de dérive sectaire islamique à Brest ».
« La collectivité a un devoir de
protection de la jeunesse. Nous devons, au vu des messages diffusés à partir de
la mosquée sunna sur internet ou les réseaux sociaux, nous opposer aux dérives
sectaires », ajoute-t-elle. Elle rappelle d’après les chiffres
officiels du ministère de l’Intérieur que « le
Finistère est actuellement classé dans la seconde catégorie concernant le
nombre d’éléments radicalisés par département sur une échelle de 0 à 7 (la
seconde catégorie va de 40 à 50 individus) ».
Julie Le Goïc s’étonne de ne pas avoir « entendu Mme Malgorn rappeler à l’ordre certaines chapelles de Chrétiens
intégristes lors des manifestations du mariage pour tous et qui ont aussi la
charge éducative d’enfants ». Christine Margogne prend la défense de
Bernadette Malgorn : Je voudrais
m’élever contre la violence des termes de Mme Julie Le Goïc, nous avons le droit
de nous exprimer, et je suis solidaire du groupe RPB même si je n’en fais plus
partie ».
La municipalité ne voit aucun
problème à avoir accordé un permis de construire pour l’extension de l’école
coranique de Pontanézen le 11 juin dernier : « On ne fait pas d’enquêtes sur les habitants de Brest pour savoir si
l’on doit accorder un permis de construire ou pas », plaide ainsi
Thierry Fayret. François Cuillandre précise qu’il a « condamné très fermement les propos de l’imam ». Ce dernier,
dans ses vidéos sur Youtube, tient
par exemple un discours archaïque et misogyne sur les femmes, qui selon lui,
« doivent être voilées et rester
cloîtrées à la maison ». Le maire ajoute : « Mais si ses propos sont condamnables, on
les combat par la voie pénale ». « Cette personne est étroitement surveillé ainsi que son site internet »,
précise encore M. le maire. Pour l’éducation des enfants, il vaut mieux les
envoyer dans d’autres écoles, encore faut-il ne pas fermer celles-ci, comme le
collège de Kérichen.
Interruption de séance et allocution de
la porte-parole de l’intersyndicale du collège Kérichen
La fermeture du collège de
Kérichen a été décidée par le conseil départemental le 7 septembre dernier et
les enseignants de ce collège en ont pris connaissance « de façon brutale dans (nos) casiers le 11
septembre. « Depuis nous
essayons de joindre le conseil départemental qui est aux abonnés absents »,
déplore la porte-parole de l’intersyndicale des parents d’élèves et des
enseignants du collège. « On nous
reproche d’être sortis du dispositif des Zones d’Éducation Prioritaire (ZEP),
la faute à qui ? » interroge-t-elle. « On déshabille Pierre pour habiller Paul », critique-t-elle. En
effet, l’entrée du collège de Pen-ar-Ch’leuz en classement ZEP coïncide avec la
décision de la fermeture du collège de Kérichen. « On nous reproche d’avoir peu d’élèves, c’est vrai »,
admet-elle. Mais d’après les prévisions, les effectifs d’élèves vont augmenter
vers 2020.
La porte-parole de
l’intersyndicale pointe du doigt des négligences de la mairie. « Cela fait des années que nous réclamons une
ligne de bus vers Kérinou, quartier situé dans la zone d’attractivité naturelle
pour le collège de Kérichen, rien n’a été fait. Il y a bien une ligne de bus,
mais pas de chance pour nous elle dessert l’école privée La Croix rouge ».
« J’en ai parlé au maire-adjoint du
quartier de l’Europe, M. Hosny Trabelsi, pour la création d’une ligne de bus, il
n’a fait que transmettre notre demande, sans rien faire ! »
Elle met en évidence aussi la
création de nouveaux collèges dans le secteur de Brest comme le collège de
Saint-Renan ou encore le nombre insuffisant de langues et d’options proposées
aux collégiens à Kérichen. « Avec
l’anglais en LV1 et l’espagnol en LV2, chez nous c’est la portion congrue ».
Elle rappelle que c’est « la
municipalité qui a un rôle à jouer dans la desserte des établissements scolaires,
c’est une nécessité », plaide-t-elle. « Si le plan est de verser les enfants de Kérichen dans le collège de
Pen-ar-C’hleuz, cela revient à jouer aux allumettes », avertit-elle.
Elle rappelle que « 130 millions d’€
ont été mis sur la table pour désenclaver le quartier de l’Europe et on va nous
faire une poudrière scolaire ! »
Christine Margogne se dit
solidaire des propos de la porte-parole de l’intersyndicale « en tant qu’ancienne élève de Kérichen, en
tant que membre du CA de cette école et en tant qu’enseignante (moi-même) de
Kérichen » et « indépendamment
de (son) groupe politique ». « D’ailleurs,
je n’ai pas toujours été de droite, j’étais communiste quand j’était jeune et
j’ai vendu L’Humanité sur des
marchés », précise-t-elle fièrement. Pour Marif Loussouarn, « la description est hélas réaliste ».
« Nous soutenons le combat exposé
par les parents d’élèves et les enseignants ». Hosny Trabelsi, pour sa
part, rappelle qu’ « un
communiqué de presse du 18 septembre prévoit un temps d’échange avec tous les
responsables et que la décision de fermeture du collège Kérichen a été prise à
l’unanimité par le conseil départemental ».
De nouveaux défis pour la politique
urbaine
La volonté de la municipalité de
repousser le cœur de ville vers le plateau des Capucins pose en effet de
nouveaux défis à la municipalité, car des handicaps se dressent dès lors.
Ainsi, Mme Malgorn relève « un
urbanisme éclatée ». Pour elle « le déclin de la ville (…) est
le fruit de choix inadaptés et surtout la conséquence d’une politique d’urbanisme
brouillonne ». Elle pointe du doigt les « difficultés du commerce de proximité (…) notamment sur les axes Jaurès-Siam-Recouvrance ». C’est
« toute (votre) politique depuis des années (qui) consiste à détricoter ce qui fait précisément
le cœur de (notre) ville »,
d’après elle. Elle déplore par exemple « la mort des bibliothèques Neptune et d’Études pour tenter de remplir
les Capucins », « les 10
années perdues sur les Halles Saint-Louis », « l’annonce par la presse de la refonte de la place de la Liberté (qui) est un exemple illustrant (votre) pratique d’un urbanisme en manteau
d’Arlequin », etc.
Michel Gourtay rappelle :
« Notre priorité c’est l’économie
industrielle ». Il énumère les réussites de l’ouest breton comme la
labellisation de la French tech dans le domaine numérique, la
délocalisation d’Ifremer à Brest, etc. Le baron rose, François Cuillandre,
informe que « la SILL et l’entreprise Le Saint ont trouvé des
solutions à leur développement sur le port de commerce de Brest, alors qu’ils
ne pouvaient pas trouver ces solutions dans le pays des Abers ».
Le désenclavement et la LGV Brest-Paris
Bernadette Malgorn en appelle là
aussi pour « une remobilisation des
acteurs politiques et économiques » sur cette question. « Nous apprenons en effet que le gouvernement
vient d’engager un processus qui conduira à la réalisation de lignes LGV de
Bordeaux vers Toulouse et vers Dax pour plus de 8 milliards d’€ »,
énonce-t-elle. « Ce qui est
possible pour ces lignes ne le serait-il pas pour Brest et pour Quimper ? »
interroge-t-elle. Face aux « risques
de fracture et de décrochage économique et démographique pour l’ouest breston (qui) sont réels », il est impératif de
« continuer à revendiquer la
prolongation de la LGV
vers Brest et Quimper mettant la pointe bretonne à trois heures de Paris ».
« Le Rassemblement pour Brest
réclame cette politique globale en faveur des infrastructures de transport pour
la Bretagne
occidentale rompant avec cette nouvelle logique qui se profile : une
Bretagne à deux vitesses », déplore-t-elle. Avant de conclure :
« Il vous appartient Monsieur le
maire et président de la métropole de reprendre les initiatives. Mobilisez
l’ensemble des acteurs sur cet objectif vital pour notre agglomération, le pays
de Brest et tout l’ouest breton pour son tissu économique, pour ses habitants,
pour sa jeunesse et vous nous trouverez de nouveau à vos côtés ».
Après ces questions préliminaires
mais ô combien importants !, les délibération ont pu être passées en
revue. La première portait sur l’élection d’un nouveau 5ème maire-adjoint
après la démission de Julie Le Goïc. C’est Marie-Pierre Creff, seule candidate,
qui a été élue au terme d’un suspens insoutenable par 54 votants : 45 voix
pour, 3 bulletins nuls et une abstention. Mme Creff prend en charge en plus des
personnes âgées la délégation sur la santé. Par ailleurs, Jean-Claude Lardic ne
garde comme délégation que la jeunesse alors que Yann Masson prend en plus
celle de l’animation.
En délibération n° 2, le conseil
municipal a entériné la modification du budget primitif 2015. Le solde
excédentaire de celui-ci atteint 1 158 200 €.
Le conseil municipal a traité de sujets
brûlants d’actualité pour la métropole mais la tenue des discours du maire et
des membres de la majorité socialo-gaucho-écolo révèlent que ceux-ci sont très
éloignés de la réalité vécue par les Brestois(es), comme les dirigeants
nationaux le sont aussi par rapport aux Français. Que ce soit sur les questions
de l’insécurité, de la difficulté du commerce en centre-ville ou de l’école
Kérichen.
Marc Gidrol
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