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L’État et la politique de santé

SARS CoV-2 vue au microscope électronique, Source de l'image : Wikipédia.

L’État a pour mission d’assurer « une démocratie de gens bien portants, bien pensants et bien voulants (1)«, selon l’expression de Léon Bourgeois, homme politique sous la IIIème République, président de la Chambre des députés et du Sénat, théoricien du solidarisme. Si la crise sanitaire du Coronavirus que nous vivons actuellement rappelle que l’État a son rôle à jouer dans la prévention des maladies infectieuses, il n’en a pas toujours été ainsi dans l’histoire. Pour une simple raison, ce n’est qu’avec les progrès de la médecine et notamment grâce à la révolution pastorienne que les pouvoirs publics ont compris la transmission des maladies. Dès lors, l’État qui s’érige en instituteur du social, se fait en plus hygiéniste. La puissance publique a créé au fil des années toute une série de structures pour répondre à cet impératif de lutte contre les épidémies. 

Jusqu’au XIXème siècle, les populations étaient ignorantes du mode de propagation des virus et des bactéries. Lors d’épidémies terribles comme lors des épidémies de peste au Moyen-Âge et à l’époque moderne (du XVIème au XVIIIème siècles), on accusait des boucs-émissaires comme les Juifs, les mendiants, les pauvres, les sorcières, d’être les vecteurs de la maladie. 

C’est la révolution pastorienne à partir des années 1880 qui a révélé les liens invisibles et indivisibles qui existent entre les gens, à leur insu, à travers les microbes et leur mode d’action et de propagation. La découverte de ces micro-organismes vivants mortifères transforme en même temps le champ du social. Une interdépendance profonde entre les êtres vivants est révélée. 

Auparavant, pour prévenir des maladies infectieuses, les autorités publiques se contentaient d’ordonner ce que l’on expérimente actuellement : le confinement des populations et la quarantaine. Ainsi, en 1702-1703, une épidémie de peste avait ainsi pu être contenue dans le royaume de France par un cordon sanitaire entre Rouen et Reims, et la capitale Paris avait pu être préservée.

Mais, dès le début du XIXème une politique d’hygiène voit le jour. En 1802, le préfet de police de Paris décrète « Un Conseil de salubrité de la Seine ». Le 16 septembre 1807, une loi, celle du « dessèchement des marais » pose de façon encore modeste les bases d’un Code d’hygiène publique. C’est après les terribles épidémies de choléra de 1832 et de 1849 que l’État fait de la lutte contre les logements insalubres sa priorité à son agenda. Une loi de 1850 sur les logements insalubres pose les premiers principes de la salubrité publique. À la même époque naissent les premières cités-ouvrières comme celle de Charles Fourrier. Sous le Second Empire, dans les années 1860, le baron Haussman fait construire un système d’assainissement des eaux par des égouts à Paris, en même temps qu’il modernise la ville par l’architecture qui porte son nom et par des grandes avenues à la place des anciennes ruelles. 

La découverte des microbes par Pasteur redéfinit la perception de la société et par là l’action de l’État. Non seulement c’est l’humain dans son ensemble qui doit être redéfini depuis la conception jusqu’à la tombe, mais en plus, c’est tout l’environnement de celui-ci qui est appréhendé. Pour cela l’urbanisme est repensé. La ville est vue elle-même comme un organisme biologique. Henri Sellier, maire de Suresnes et ministre de la Santé publique dans l’entre-deux-guerres, conçoit la « biologie d’une ville » selon les termes d’un de ses proches. On y trouve des écoles, des dispensaires, des jardins, des habitations ouvrières, des halles et marchés, des cimetières, des infrastructures de transport et un réseau de canalisation des eaux. C’est cette théorie d’hygiène publique qui s’inscrit aussi dans la loi du 30 novembre 1894 instituant les HBM (Habitat à Bon Marché), ancêtres des HLM, dite « loi Siegfried », du nom de son promoteur, Jules Siegfried. À Brest les premiers HBM sortent de terre en septembre 1925 à Kérigonan. 


Après la victoire militaire en 1918 contre l’Empire allemand, le gouvernement stipule que la nation doit rester mobilisée contre les ennemis intérieurs que sont l’alcoolisme, la dépopulation, la tuberculose ou la syphilis. La « régénération », le mot est employé fréquemment à cette époque, est un enjeu national. Le ministère de la Santé est créé en 1920, inscrivant dans les structures mêmes de l’État la théorie pastorienne. Le philosophe et sociologue Michel Foucault, décrit ainsi la fonction nouvelle de l’État depuis le XIXème qui est de dresser et redresser les corps et les esprits des citoyens à travers l’école, l’hôpital, la caserne et l’asile, dans son ouvrage Surveiller et punir en 1975. Pour le politologue, Pierre Rosanvallon, la médecine de masse du XXème siècle est le pendant de la scolarisation de masse au XIXème par les hussards noirs de la République (2). C'est dans cet esprit que les pouvoirs publics obligent les parents à vacciner leurs enfants contre des maladies comme la rougeole et que la vaccination est encouragée contre certains virus comme celui de la grippe saisonnière tous les ans pour les personnes de plus de 65 ans et les personnes à risques de complications. 

Une jeune femme se faisant vacciner contre la grippe saisonnière.


Donc, on peut dire que dans un certain sens, les épidémies constituent un « bienfait », dans le sens où elles forcent l’État à infléchir son action dans une direction sociale pour améliorer les conditions de vie des plus pauvres. Car la révolution pastorienne amène à plus de solidarité entre les gens comme le soulignait déjà Léon Bourgeois, dans son traité La politique de prévoyance sociale :

« C’est grâce à Pasteur que la notion d’une humanité nouvelle a pu se révéler et a passé dans les esprits. (…) C’est lui qui a prouvé d’une façon définitive l’interdépendance profonde qui existe entre tous les vivants, entre tous les êtres; c’est lui qui en formulant d’une façon décisive la doctrine microbienne, a montré combien chacun d’entre nous dépend de l’intelligence et de la moralité des autres. C’est lui qui nous a fait comprendre comment chacun de nos organismes individuels par l’innombrable armée des infiniment petits qu’il recèle monte, pour ainsi dire, à l’assaut de tous les organismes du monde, c’est lui qui, par suite, nous a appris notre devoir mutuel (…). Quand il a fait cette démonstration merveilleuse qui est le mot suprême de son oeuvre, il a fait non seulement une révolution scientifique mais une révolution morale (3)». 

Après la meurtrière épidémie de choléra de 1849 un témoin de l’inflexion de l’action de l’État dans la prévention des épidémies, Martin Naudaud, note : « Je crois que l’apparition du choléra dans notre vieille Europe, au lieu d’avoir été un malheur, a été au contraire un grand bienfait; sans le choléra, en France comme à Londres, je doute que les pouvoirs publics eussent jamais songé à porter la pioche dans les quartiers pauvres (4)».

On peut penser qu’à la suite de la crise du Covid-19, le gouvernement va mettre en silence son credo libéral et investir davantage pour l’hôpital, l’oublié de la politique gouvernementale jusqu’à présent. Cette crise sanitaire dont la gravité est inédite depuis celle de la grippe espagnole entre 1918 et 1920, va sans doute redistribuer les cartes au bénéfice de la souveraineté des nations au détriment des vainqueurs de la mondialisation, Chine et Inde en tête.

Marc Gidrol

(1) Léon Bourgeois, La politique de prévoyance sociale, Paris, 1914, T.1, La Doctrine et la Méthode, p.66.


(2) Pierre Rosanvallon, L’État en France de 1789 à nos jours, Paris, Éditions du Seuil, février 1990, réé. 1992, p. 132.

(3) Idem, p.66.

(4) Martin Naudaud, Léonard, Maçon de la Creuse, Paris, Maspéro, réédité en 1976, p. 332.

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