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L’Europe de la paix reçoit un prix

Le Parlement européen à Strasbourg. (Source : tourisme-alsace.com)



Des passions européennes toujours aussi vives

Le nouveau prix Nobel de la Paix qu’a reçu l’Union européenne vendredi 12 octobre au moins ne laisse pas indifférent, que ce soit du côté des partisans de sa construction ou de ses opposants historiques comme le Front National (FN), les Gaullistes ou les Communistes.

« Ce prix montre que les valeurs de solidarité, de confiance réciproque et autres peuvent amener un monde meilleur », souligne Jacques Delors. L’Elysée l’interprète comme « un immense honneur » qui (…) « nous engage tous à poursuivre vers une Europe plus unie, plus juste, plus forte et porteuse de paix ». A droite, Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP et candidat à la présidence de ce parti pour novembre se félicite de cet « hommage rendu à la chaîne ininterrompue des chefs d'État français qui ont œuvré avec leurs partenaires européens, et en particulier l'Allemagne, pour consolider l'Europe : Charles de Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ». Celui-ci selon M. Copé « durant tout son quinquennat, par son volontarisme et son dynamisme, a relancé l'Union européenne, en particulier avec le traité européen, la gestion exemplaire de la crise en Géorgie ou encore le sauvetage de la zone euro, au côté d'Angela Merkel ».

A l’inverse, Marine Le Pen y voit du cynisme de la part du comité norvégien du Prix Nobel de la Paix au moment où « l'Union européenne est aujourd'hui le premier facteur de désunion et de montée des tensions entre les nations européennes, en organisant une concurrence féroce entre les peuples, en méprisant toute forme d'expression démocratique et en sacrifiant partout la prospérité sur le dogme de l'euro » dénonce-t-elle dans un communiqué. Jean-Luc Mélenchon, la tête d’affiche du Parti de Gauche, rassemblant les Communistes et autres partis et mouvements d’extrême gauche récompense le comité d’Oslo du prix « de l’humour noir ». « Ne mène-t-elle (l’Union européenne, ndlr) pas une guerre contre les peuples qui la composent et leurs droits sociaux ? », interroge l’eurodéputé dans un communiqué. « Dans ces conditions, autant lui accorder aussi le prix Nobel de littérature pour la qualité littéraire de ses traités », poursuit-il. Même son de cloche du côté du souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, qui qualifie ce prix de posthume dans la mesure où ce dernier considère que l’Union européenne est morte car elle « a recréé des tensions et rouvert les plaies que l'Europe de la paix avait refermées ».

Ces jugements sévères des eurosceptiques doivent toutefois être nuancés car la construction européenne a eu des succès incontestables dont la paix sur son sol.

60 ans de paix

Le Comité Nobel de la Paix a surtout voulu récompenser les efforts de la coopération européenne dans le domaine politique et moral, car selon ce même comité « l’Union européenne a contribué pendant plus de six décennies à promouvoir la paix et la réconciliation, la démocratie et les droits de l'homme en Europe ». Il est vrai que le vieux continent n’a plus connu les affres de la guerre qui le ravageaient jusqu’en 1945, notamment les deux guerres mondiales.



Train traversant la frontière entre la France et  le Luxembourg chargé de charbon dans le cadre de la CECA (Communauté européenne du Charbon et de l'acier), période non précisée. ( Source : © Parlement européen - Unité Audiovisuel)


C’est effectivement dans les années d’après-guerre que les bases d’une nouvelle Europe sont esquissées par des mouvements rassemblant d’anciens résistants, comme l’Union européenne des fédéralistes de Brugmans, le Mouvement socialiste pour les Etats-Unis d’Europe, les Nouvelles Équipes internationales démocrates chrétiennes, le Conseil français pour l’Europe unie, la Ligue européenne de coopération économique, l’Union parlementaire européenne, etc. Pour ces groupuscules, au déclin causé par la guerre et « l’Ordre nouveau européen » imposé par les Nazis doit suivre une renaissance guidée par la paix et la démocratie. Les tensions internationales des années 1947-1953 marquées par le début de la guerre froide entre les deux « Grands » vainqueurs de 1945, avec d’un côté les Etats-Unis d’Amérique et de l’autre l’Union des Républiques Socialistes Soviétique (URSS) rendent urgente la question de la construction européenne.  Aux provocations de Moscou (coup de Prague des 20-27 février 1948, blocus de Berlin du 22 juin 1948 au 7 mai 1949, guerre ouverte en Corée de juin 1950 à novembre 1951, procès expéditifs et pendaisons dans les démocraties populaires) répond la paranoïa côté américain avec la chasse aux sorcières intérieure contre les Communistes, plus connue sous le nom de maccarthysme.

S’y ajoute le problème du sort de l’Allemagne, divisée en deux dès 1949. L’Allemagne est ainsi au centre des préoccupations des pères fondateurs de l’Europe politique et économique, le lorrain Robert Schuman et Jean Monnet. Ce qui amène tout naturellement à la création par le traité de Paris du 18 avril 1951 de la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier (CECA). Celle-ci doit amorcer une réconciliation entre les ennemis héréditaires d’hier, la France et l’Allemagne, par une mise en commun de la production du charbon et du fer. « Le gouvernement français propose de placer l’ensemble de la production franco-allemande de charbon et d’acier sous une haute autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d’Europe », annonce Jean Monnet qui venait de créer cette Haute Autorité commune du charbon et de l’acier. Réussite incontestable par rapport aux tentatives malheureuses dans le domaine politique avec il est vrai l’instauration d’une Assemblée européenne consultative, le Conseil de l’Europe le 5 mai 1949 à Strasbourg, mais celle-ci se révèle bien vite impuissante de par les rivalités entre pays membres (France, Grande-Bretagne, Italie, Allemagne de l’Ouest, Danemark, pays du Benelux, Norvège, Suède, Irlande, Grèce et Turquie) et l’opposition des Britanniques à tout projet qui empiéterait sur la souveraineté des États.

Piétinements et échec sont les mots qui conviennent aussi dans le domaine militaire avec les atermoiements et finalement l’avortement de la CED (Communauté Européenne de Défense) en septembre 1954, projet qualifié de « cadavre dans le placard » par les gouvernements de l’époque. Sur le papier il prévoyait une armée commune avec un ministre de la Défense commun à toute l’Europe. Mais en France, des oppositions montaient contre ce projet à la fois des Gaullistes et de la droite qui y voyaient un empiètement grave à la souveraineté nationale et aussi des Communistes qui y voyaient eux la main de l’oncle Sam contre l’URSS et de plus qui ne concevaient pas que des Allemands intègrent de nouveau une armée. Pourtant  les Français n’étaient pas hostiles dans leur immense majorité à ce projet si l’on en croit les sondages de l’époque. Ainsi, en août-septembre 1954, à la veille du paroxysme des passions sur cette question, 36 % d’entre eux étaient pour ou plutôt pour, 31 % contre ou plutôt contre et 33 % ne se prononçaient pas[1]. Les contre ne l’emportant définitivement que lors du rejet du projet par l’Assemblée nationale en septembre suivant.

Malgré cet échec retentissant de la construction européenne, un pas décisif est franchi avec la signature du traité de Rome le 25 mars 1957, instituant l’Euratom, une alliance européenne dans le domaine du nucléaire pacifique ouverte à tous mais surtout la Communauté économique européenne (CEE), un marché commun entre les six pays fondateurs (France, Allemagne fédérale, Italie, pays du Benelux). Ce traité revêt un aspect révolutionnaire pour l’époque, car il prévoit la libre circulation des marchandises et des hommes entre les pays membres à partir du 1er janvier 1958. Depuis, cette institution s’est élargie avec l’arrivée de petits nouveaux comme la Grande-Bretagne dont l’entrée avait toujours été combattue par le général de Gaulle, mais qui avait été acceptée par le président Pompidou lors du traité de la signature d’adhésion à la CEE le 22 janvier 1972, il est vrai pour contrebalancer le poids grandissant de l’Allemagne de l’Ouest avec son Mark fort. Ce traité prévoyait en même temps l’adhésion de la Norvège, du Danemark et de l’Irlande. Ironie du sort, c’est en Norvège, dont la population a finalement rejeté l’adhésion à l’Union européenne à deux moments par référendum, en 1972 et en 1994, que celle-ci reçoit son prix. D’autres pays ont suivi depuis les années 1980, ceux de l’Europe du Sud, puis depuis les années 2000 ceux de l’Europe de l’Est, anciens satellites de l’ex-URSS. Malgré tout, la CEE devenue l’Union européenne par le traité de Maastricht du 20 septembre 1992 a montré son rôle de pilier de paix dans le monde parce qu’elle a su dépasser les antagonismes d’hier par l’entente franco-allemande qui a été maintenue sous des gouvernements de tendances politiques opposées en France comme en Allemagne. On l’a vu entre François Mitterrand et Helmut Kohl, pourtant opposés par leur idéologie politique, tout comme entre Jacques Chirac et Gerhard Schröder.

La construction européenne caractérisée par les piétinements a fait son chemin dans le domaine économique aussi. Avec la Politique agricole commune (PAC) qui a sauvé maintes fois les agriculteurs français. Elle s’est dotée aussi d’une monnaie commune, l’Euro, en vigueur depuis le 1er janvier 2002 et qui malgré les dénigrements a résisté à la crise depuis 2008. Elle a permis une homogénéisation monétaire dans toute l’Union il est vrai au prix de sacrifices lourds dans certains pays comme la Grèce ou l’Irlande, mais la réussite économique est à ce prix. Il en va des nations comme des hommes, on n’a rien sans rien !

Marc Gidrol



[1] D’après la revue Sondages de 1954, n°4.

Commentaires

  1. Vous semblez oublier que l'Europe finance des camps de concentration de l'autre côté de la Méditerranée dans le cadre de son programme de lutte contre l'immigration. Il me semble également que vous oubliez la régression spectaculaire des acquis sociaux et pas seulement en Grèce, en Espagne, au Portugal ou en Italie... Mettre un pays en coupe réglée comme dans le cas de la Grèce est dramatique. L'Europe a également échoué à mettre fin aux guerres des Balkans dans les 1990, en cela elle est un échec total sur les questions de maintiens de la paix (et ne mérite pas son titre). Dans le même temps, elle a facilité l'évasion fiscale (cf Google et l'Irlande, cf Apple et le Luxembourg, cf Amazon et le Luxembourg) et le contournement des fiscs nationaux. Mais tout ceci, vous le savez déjà. Vous avez simplement choisi de ne pas en parler, car comme vous le dites si bien "on n'a rien, sans rien".

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  2. Il est indéniable que la construction européenne a mis fin aux antagonismes qui opposaient naguère nos deux pays : la France et l'Allemagne. Ils se sont combattus pendant trois guerres meurtrières : celle de 1870-1871, la Première Guerre mondiale et la Seconde Guerre mondiale. Vous semblez particulièrement sévère contre l'Europe malgré ce fait. L'Union européenne n'a pas connu que des réussites, certes, mais quel est le régime politique ou l'institution qui n'a que des réussites !
    Pour ce qui est de la Grèce, vous savez bien que ce pays n'était pas un modèle de bonne gestion de la part de ses gouvernements antérieurs (corruption, bilans économique trafiqués avec l'aide de banques américaines comme Goldman Sachs, absence totale de cadastre, l'Eglise qui ne payait pas d'impôts et qui n'en paye toujours pas d'ailleurs, les riches qui n'en paye pas non plus !)Dans ces circonstances, il ne faut pas qu'ils s'étonnent de leurs problèmes économiques. Il est vrai qu'ils font des efforts pour corriger des décennies de mauvaise gestion. Malheureusement, comme toujours, ce sont les petites gens qui payent le plus lourd tribut et non les mieux nantis. Quant à l'évasion fiscale, les gouvernements de l'Union ont décidé d'harmoniser leur politique fiscale pour éviter les paradis fiscaux en Europe.

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