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La rémanence du 6 février 1934 ?

Les émeutiers le 6 février 1934, place de la concorde à Paris. Source de l'image : verslarevolution.hautetfort.com.

Cela fait 80 ans aujourd’hui qu’a eu lieu l’émeute du 6 février 1934. La manifestation du dimanche 26 janvier 2014 peut-elle être rapprochée de celle-ci ? Le rapprochement de ces deux dates peut paraître surprenant. Il ne l’est pas tant que cela si l’on considère les nombreuses similitudes qui les rapprochent. 

D’abord, les mots d’ordre de ces deux manifestations de rues étaient le renvoi du pouvoir en place, gouvernement Daladier à peine investi le 6 février 1934, démission de François Hollande pour les manifestants du 26 janvier dernier, dont la manifestation a été appelé « Jour de Colère », du nom d’un poème de la liturgie catholique, « Dies irae » en latin, datant du Moyen-Âge et évoquant le Jugement dernier lors de la fin du Monde dans le Livre de l’apocalypse de Saint Jean, repris en thème musical dans plusieurs partitions dont la plus célèbre, celle de Wolfgang Amadeus Mozart. Manifestations toutes les deux organisées par des organisations d’extrême droite : les Ligues à caractère fasciste comme les Jeunesses patriotes, les camelots du roi en 1934 ; Printemps français de Béatrice Bourges s’illustrant à travers des actions agressives depuis « les manifestations pour tous » de 2013, et Civitas (groupuscule de Catholiques intégristes et violents dans la rue, avec des prières à même le bitume), mais aussi les fans de Dieudonné furieux de la censure ordonnée par Manuels Valls, ministre de l’Intérieur, contre l’humoriste qui n’en est plus vraiment un par ses jeux de mots douteux et ses propos antisémites, racistes et antirépublicains qui sont comme des flots de merdes sortant de sa bouche, lors du dimanche 26 janvier. Enfin, il est à noter un climat de tensions sociales qui paraît similaire à ce qu’il était au début des années 1930.

1. Pourquoi les émeutes du 6 février 1934 ?

Un climat de violences, régnait en effet dans les rues de Paris mais aussi dans celles des villes en province, entretenu par les extrêmes. Les Ligues d’extrême droite investissent les rues tout comme l’extrême gauche, les extrêmes étant renforcés par le mécontentement populaire. Celui-ci est due à la montée du chômage (on comptait 340 000 chômeurs en 1934 contre 273 000 en 1932), à la corruption parlementaire à travers l’affaire Stavisky (voir le billet : "La corruption, rien de nouveau sous la République" datant du 10 avril 2013 sur ce blog), – un homme d’affaire véreux – dans laquelle étaient impliqués Chautemps, président du Conseil du 25 octobre 1933 au 27 janvier 1934, beau-frère du procureur de la République, Pressard, corrompu lui aussi dans l’affaire tout comme Dalimier, ministre des colonies, parce que ce dernier avait signé lorsqu’il était ministre du travail une circulaire autorisant les bons municipaux de Bayonne émis par l’homme d’affaire, juif ukrainien, Alexandre Stavisky. En décembre 1933, est découverte cette affaire des bons du Crédit municipal de Bayonne. Plus de 200 millions de francs de faux bons de caisse avait été émis, afin que Stavisky lui-même puisse s’en approprier les fonds. Le 9 janvier 1934, Stavisky, retrouvé mort dans son chalet devient l’objet de toutes les rumeurs. Pour la gauche, il a été tué sur ordre de Pressard et de Chiappe, Préfet de police de Paris qui l’avait côtoyé aussi ; pour la droite, il a été tué sur ordre du Président du Conseil, Camille Chautemps pour l’empêcher de parler. En tous cas, pour la droite, tous les mots d’ordre de l’émeute du 6 février 1934 sont trouvés là, car « Stavisky représente la finance métèque et juive associée à la pourriture parlementaire et maçonnique [1]», Chautemps et Pressard étaient tous les deux des dignitaires importants de la franc-maçonnerie.

À cela il faut ajouter aussi le climat de tensions internationales avec l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler le 30 janvier 1933 en Allemagne, le régime fasciste du Duce Benito Mussolini en Italie, le retrait du Japon de la Société des Nations suivi par l’Allemagne qui s’était déjà retiré de la Conférence de Genève sur le désarmement.

Le climat était donc explosif, l’étincelle prit le 6 février.

2. La journée du 6 février 1934 en elle-même.

À la différence de la manifestation du 26 janvier 2014, l’émeute du 6 février 1934 comptait aussi dans ses rangs l’extrême gauche à travers l’ARAC (Association républicaine des anciens combattants, à tendance communiste et pacifiste de surcroît).

L’UNC (Union nationale des anciens combattants), association d’anciens combattants de droite, Solidarité française, les Jeunesses patriotes, les Camelots du roi, les Croix de feu et l’ARAC s’étaient donné le mot ce jour-là pour encercler le Palais-Bourbon, siège de l’Assemblée nationale, avec des motivations différentes. « Contre le régime du profit et du scandale » pour l’ARAC, contre la République et pour le retour au pouvoir d’André Tardieu pour la droite et l’extrême droite. L’émeute prit un tour très violent. Les émeutiers tentèrent de faire renverser les gardes mobiles en coupant les jarrets de leurs chevaux avec des lames de rasoir. Ils avaient aussi avec eux des armes à feu, des projectiles divers et variés mais pas très sympathiques. La défense du Palais-Bourbon avait un talon d’Achille : la rive gauche n’était protégée que par un mince rideau de forces de police. Le salut du Parlement ce jour-là n’est dû, aussi paradoxal cela soit-il, qu’à l’ordre donné par le Colonel de la Rocque, chef des Croix de feu qui somma ses troupes de ne pas entrer dans l’enceinte parlementaire.

Au bilan de cette terrible journée, 15 morts et environ 2 000 blessés sont à dénombrer. Daladier (Parti Radical) qui devait être investi ce jour-là dans ses fonctions est contraint de démissionner, accusé par la presse de gauche comme de droite d’être à la tête d’un « gouvernement d’assassins », le 7 février à midi.

3. Les conséquences du 6 février 1934.

Il faut distinguer les conséquences à court terme de ceux à long terme.

À court terme, un nouveau gouvernement de droite dirigé par Gaston Doumergue et comportant parmi les ministres, André Tardieu, ministre d’État, le vrai homme fort du pouvoir, était investi, le 7 février 1934. « Le souriant Gastounet (…) semblait être un personnage de Pagnol, interprété par Raimu [2]». Mais il était en réalité un vieux routier de la politique, ancien président de la République, aguerri aux luttes politiques. « Comme tous les vieillards, il cachait, sous un apparent renoncement, un autoritarisme croissant et il aimait le pouvoir [3]».

À long terme, les gauches (SFIO, Parti Radical et le Parti communiste parmi les principaux partis de gauche) se réunissaient pour préparer le retour au pouvoir, à travers un Rassemblement populaire réunissant en tout 10 organisations, ce qui permit la victoire du Front populaire au terme du 2ème tour des élections législatives le 5 mai 1936 et le premier gouvernement dirigé par un socialiste, Léon Blum.

À partir de 1934 aussi on assiste selon l’historien Antoine Prost, à « l’intrusion, somme toute pacifique, mais résolue des forces populaires, mobilisées ou encadrées par les syndicats, dans notre histoire politique [4]».

La différence essentielle, c’est que là où la manifestation du 26 janvier dernier a échoué, François Hollande et le gouvernement socialiste de Jean-Marc Ayrault étant toujours aux affaires, l’émeute du 6 février 34 avait réussi à faire démissionner Edouard Daladier et à permettre la mise en place d’un gouvernement de droite plus proche des aspirations de la France de la boutique et de la paysannerie, gouverné par le bon vieux Gaston Doumergue et avec Tardieu dans l’équipe ministérielle. C’était aussi la IIIème République, les institutions de la Vème sont différentes, plaçant le Président de la République en chef incontesté du pays trouvant sa légitimité de par son élection au suffrage universel.

Marc Gidrol



[1] D. Borne et H. Dubief, La crise des années 30, 1929-1938, Paris, Éditions du Seuil, 1976, 2ème édition 1989, p.110.
[2] Id., p 113.
[3] Ibid.
[4] A. Prost, « Les manifestations du 12 février 1934 en province », Le Mouvement social, n° 54, 1966, cité in D. Borne et H. Dubief, La crise des années 30, 1929-1938, op. cit., p. 118.

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