Le candidat soutenu par le parti de La France Insoumise (LFI) et le mouvement Ensemble ! à l’élection municipale de Brest, Pierre-Yves Cadalen, m’a ouvert la porte de sa permanence, située au 17 de la rue Danton, dans le quartier de Saint-Martin, à Brest. Il présente une équipe « neuve », comme il l’affirme lui-même, mais néanmoins « compétente », estime-t-il, pour gouverner la ville s’il remporte l’élection municipale. Il est à noter qu’aucun ancien élu n’est sur sa liste, mais il assure que sa liste est représentative de la diversité socioprofessionnelle à Brest, avec des colistiers qui ont un haut niveau de qualifications et de diplômés. Lui-même vient d’obtenir un doctorat de science politique à l’école doctorale de Sciences Po Paris.
Il veut incarner une alternative populaire et se présente comme le seul candidat de gauche à cette élection, car pour lui le maire sortant, François Cuillandre, peut être classé à droite par sa politique sur la ville, et que les écologistes sont des « rabatteurs de voix pour le parti socialiste au second tour ».
Parmi ses mesures phares, la plus emblématique et qui s’inscrit dans la prise de conscience de l’urgence écologique et solidaire, c’est incontestablement la gratuité des transports en commun. « Cette idée est fédératrice dans la population brestoise », m’assure-t-il. Monsieur Cadalen se base sur l’exemple de Dunkerque qui a mise en place la gratuité totale des transporte en commun en 2018 qui a des résultats positifs et qui présente selon lui des caractéristiques proches de Brest.
Il est vrai que d’après un article paru dans la revue Alternatives Économiques, (« Les bus gratuits, une bonne idée ? », de novembre 2019, p. 94-96), 48 % des nouveaux utilisateurs des transports en commun à Dunkerque où la gratuité s’est mise en place, sont d’anciens automobilistes. De plus, un an après le passage à la gratuite totale, la fréquentation a quasiment doublé pour atteindre un taux de fréquentation de + 80 % d’après cet article. Dunkerque est effectivement une ville qui ressemble beaucoup à Brest comme me l’a lui même comparé le candidat Cadalen. Dunkerque est un exemple pertinent pour Brest.
Cette ville, comme Brest, a été détruite à plus de 80 % lors de la Seconde Guerre mondiale et elle a été reconstruite pour la voiture. Elle compte un peu plus de 200 000 habitants, comme Brest Métropole qui en compte environ 209 000.
Comment compte-il financer la gratuité des transports ? Il me l’a expliqué dans l’interview ci-dessous. Il compte notamment financer la gratuité des transports par une hausse du versement transport comme à Dunkerque. Cette hausse s’appliquerait seulement pour les entreprises de plus de 11 salariés. Elle rapportera 4,4 millions d’€. La métropole rajoutera 4,8 millions d’€ à ce qu’elle finance déjà aujourd’hui pour les transports.
Les autres mesures phares sont l’attribution de nouveaux droits politiques pour les brestois.es comme la caravane des droits sociaux et politiques qui iraient dans les quartiers pour informer les habitant.e.s des nouveaux droits sociaux et politiques, comme le référendum d’initiative populaire sur la base de 5 % du corps électoral, le référendum révocatoire des élus à mi-mandat, le droit d’interpellation des élus lors des conseils municipaux. Ces idées s'inspirent de la théorie politique du philosophe des Lumières Rousseau, pour qui le peuple doit investir les instances du pouvoir comme le Parlement. La souveraineté est populaire.
Une autre mesure attire incontestablement l’attention, il s’agit de l’idée de ceinture maraîchère autour de Brest pour retrouver de l’auto-suffisance alimentaire et de la résilience face au changement climatique.
Il semble orienter ses critiques contre Bernadette Malgorn, car il est convaincu qu’il sera au second tou face à elle. Selon lui si les classes populaires de Brest viennent voter en masse ce sera pour sa candidature et certainement pas pour ses concurrents de gauche, comme le maire sortant, François Cuillandre, qu’il qualifie « à droite », ni pour la liste EELV, qu’il juge être « une liste de rabattage pour les socialistes au second tour ». Au second tour, il estime qu’il l’emportera car il m’a certifié connaître plus d’électeurs parmi les 84 000 électeurs brestois, que Madame Malgorn. « Elle peut rigoler Madame Malgorn. Elle ne connaît pas 84 000 électeurs », m’a-t-il lancé. « Notre liste est la plus cohérente pour battre madame Malgorn au second tour », m’a-t-il aussi assuré. Pour cette raison il critique à plusieurs reprises le programme de Bernadette Malgorn dans l’interview que j’ai eu avec lui ci-dessous. Un militant présent à la permanence de Pierre-Yves Cadalen m’a d’ailleurs soutenu que « si Philippe Poutou fait 10 % des voix à Bordeaux, ville réputée plutôt à droite, il y a de l’espoir pour nous et on doit faire plus de 10 % ici à Brest normalement ».
Mais je n’ai que trop disserté et je vous laisse découvrir l’interview en intégralité et in-extenso ci-après :
1°) Monsieur Pierre-Yves Cadalen, vous êtes le seul candidat à proposer la gratuité des transports en commun, mais peut-on dire que c’est vraiment une mesure pertinente sur le plan de la justice sociale car la gratuité s’appliquerait à tout le monde, y compris à ceux ayant des revenus élevés, et sur le plan environnemental, quand on sait qu’à Dunkerque, ville où la gratuité des transports en commun a été mise en place en 2018, la part modale de la voiture n’a reculé que de 2,6 % d’après une étude de l’économiste Frédéric Héran ?
Pierre-Yves Cadalen : C’est faux. La part modale de la voiture à Dunkerque a diminué d’au moins 30 %. Il y a une explosion de la demande des transports en commun à Dunkerque. De toute façon il y a une vraie explosion de la demande de transports en commun. La moitié des nouveaux utilisateurs à Dunkerque ont abandonné l’usage de la voiture (48 %).
Sur la dimension de la justice sociale, il faut quand même bien voir quelle est la logique du financement de la solidarité dans notre pays. C’est l’impôt qui finance la solidarité. L’école est financée par l’impôt et elle est gratuite, parce que le droit à l’éducation est considéré comme un droit fondamental. De même, nous considérons que le droit à la mobilité est un droit fondamental et que dès lors la gratuité le garantit pour toutes et tous.
Il faut savoir que là où il y a de la tarification progressive cela donne lieu à des phénomènes de non-recours. Comme le non-recours aux droits sociaux. Vous n’êtes pas sans savoir que plus du tiers des gens qui ont le droit au RSA ne le demande pas. La gratuité a l’avantage de permettre l’accès à tous aux transports en commun.
Ensuite, pour certains budgets, même quand une tarification réduite est appliquée elle est trop lourde à supporter pour certaines familles nombreuses. Par exemple, quand il faut payer un abonnement à tous les enfants, cela représente un coût élevé. Depuis que je suis rentré en campagne je rencontre souvent des familles qui me disent qu’ils sont obligés de supprimer l’abonnement des parents pour payer celui des enfants ou l’inverse. Ce genre de cas me semble d’autant plus aberrant aujourd’hui que la part de financement versée par les usagers représente 23 % (la collectivité prend en charge les 77 % restants du financement des transports).
Donc, pousser des cris d’orfraie pour dénoncer la gratuité comme remettant en cause tout le modèle de financement des transports c’est faux, puisque près de 80 % du coût est déjà financé par la collectivité. Je rappelle la logique de la solidarité, qui est qu’elle associe le financement par l’impôt aux conditions d’exercice d’un droit fondamental. La mesure structurante fait baisser l’usage de la voiture individuelle, ce qui du coup a un impact avantageux non seulement sur le plan écologique mais aussi sur la circulation en ville.
« Nous considérons le droit à la mobilité comme un droit fondamental »
2°) Que répondez vous à ceux qui affirment que la gratuité des transports en commun est plus pertinente pour les petites et moyennes villes que pour les métropoles comme Brest et que la gratuité risque de se faire au détriment de l’extension du réseau et de la qualité du service ?
Pierre-Yves Cadalen : L’argument des opposants qui est d’opposer la gratuité à l’investissement est bien spécieux et n’est pas justifié. C’est un choix d’investissements, c’est un choix dans la vie commune. Ce choix là, je l’assume complètement politiquement. On peut à la fois investir dans le réseau de transports et le rendre gratuit. C’est bien cela l’exemple de Dunkerque. C’est ce double effet là qui crée à la fois un choc sur la demande, qui fait baisser la part modale de la voiture et qui permet à tout le monde de se déplacer. Je m’en suis rendu compte en faisant du porte-à-porte, du nombre important de gens qui ne se déplacent pas en ville aujourd’hui à cause du prix du transport.
Marc Gidrol : À mon avis, l’intérêt de la gratuité reste à démontrer autant sur le plan écologique que social, est-ce qu’une étude sociologique a été faite pour savoir qui sont les nouveaux utilisateurs des transports en commun gratuits ?
Pierre-Yves Cadalen : Oui, il y a une étude d’un cabinet d’études belge qui vient de sortir sur les conditions d’abandon de la voiture et qui démontre que l’instauration de la gratuité est de nature à pousser les gens à abandonner leur voiture individuelle pour leurs déplacements en ville. Donc, ça s’est établi et c’est de toute façon assez évident.
Marc Gidrol : Oui, mais j’ai lu dans un numéro de la revue Alternatives Économiques que les opposants de la gratuité à Paris et à Lyon réclament plus de recettes et donc plus d’investissement et non la gratuité ?
Pierre-Yves Cadalen : Oui, mais Lyon et Paris ne sont pas les mêmes villes que Brest. Quant à Dunkerque, c’est le cas le plus similaire à Brest, car la communauté d’agglomération de Dunkerque compte un peu plus de 200 000 habitants, donc c’est comme Brest Métropole en termes de population.
Marc Gidrol ; Mais il y d’autres modes de transports comme la marche ou le vélo.
Pierre-Yves Cadalen : Ouais !, eh bien allez dire ça à des gens qui ne peuvent pas se déplacer de cette manière là. Il faut aussi prendre en compte l’ensemble des situations. Évidemment qu’on va développer les zones piétonnes et les pistes cyclables. J’ai une politique de transports qui est cohérente. Je l’ai d’ailleurs déployée et expliquée au débat organisé par l’association “Brest à Pied et à Vélo“ et qui est disponible sur le net en fichier audio. Les zones piétonnes peuvent être pénibles pour les automobilistes et on doit offrir une alternative totale qui s’articule à partir de la gratuité des transports.
« On peut à la fois investir dans le réseau de transports et le rendre gratuit. C’est bien cela l’exemple de Dunkerque ».
3°) J’ai vu que vous envisagez d’augmenter le versement transport pour financer la gratuité des transports, mais le versement transport pèse d’abord sur les entreprises, donc sur les salaires, n’est-ce pas contradictoire avec l’objectif affiché de La France Insoumise (LFI), parti auquel vous appartenez, d’augmenter les salaires et notamment le SMIC ?
Pierre-Yves Cadalen : J’ai participé à un débat avec le MEDEF, j’ai été très clair. J’ai affirmé que si nous l’emportions, nous augmenterions le versement transport, mais uniquement pour les entreprises de plus de 11 salariés. J’ai défendu l’idée qu’il est normal que les entreprises de plus de 11 salariés paye cette contribution, puisque l’investissement dans une infrastructure de transport plus développée leur bénéficie à eux également sur le plan économique.
Plusieurs économistes considèrent que les investissements dans les infrastructures en général peuvent être considérés comme des subventions indirectes au secteur privé. En même temps cela sert tout le monde. Donc, c’est cohérent de leur demander leur part et c’est aussi cohérent que la puissance publique assume le développement d’un réseau de transport plus important qu’aujourd’hui et mieux structuré au niveau métropolitain et qui permette aussi à tout le monde de se rendre au travail de façon plus facile.
Ceux qui bossent par exemple au technopôle, cela n’est pas évident du tout pour eux. Quant aux entreprises de moins de 11 salariés qui ne paient pas le versement transport elles auront un gain net. Il faut savoir qu’aujourd’hui les entreprises de moins de 11 salariés doivent payer un demi-abonnement de transport à chacun de leurs salariés. Eh bien ça elles n’auront plus à le payer parce qu’avec nous, si nous sommes élus, ce sera gratuit.
De plus, elles ne payent pas le versement transport. Moi, j’ai dit au MEDEF que “je sais que le MEDEF est particulièrement attaché à la solidarité entre les entreprises“, bon !, c’était une petite blague, et je leur ai dit que “la gratuité des transports leur permet d’être solidaire avec les petites entreprises“.
Le versement transport sera en partie utilisé pour financer les investissements et la gratuité. La gratuité représente un coût de 4,5 millions d’€. Ensuite, il y a les économies induites par la suppression de la billetterie et du contrôle ainsi que le fluidification du trafic, c’est 2,8 millions d’€. Il reste 4,8 millions d’€ à financer, on le prend sur le budget de la métropole. C’est un choix politique que nous assumons. Mais 4,8 millions d’€ / an ne représentent que 1,5 % du budget annuel de la métropole. Donc, si vous voulez, ça n’est pas une fortune ! Ce sont des chiffres qui font toujours un peu peur mais ne représentent qu’une part minime du budget de la métropole.
C’est un choix motivé par des principes politiques, ça c’est clair ! Mais c’est aussi un choix qui s’inscrit dans le sens de l’histoire. Tout le Luxembourg vient de décider de passer à la gratuité des transports en commun. Il y a un mouvement général qui va dans ce sens. Il s’agit aussi d’un marqueur politique qui est assis sur des principes politiques forts : le droit à la mobilité et la cause écologique et climatique. C’est du bon sens !
Je considère que le capitalisme mène l’humanité au désastre du fait de la logique d’accumulation des richesses, ce qui est incompatible avec la survie de l’espèce humaine. Ce constat est évident. Le vrai problème, c’est comment on arrive à passer à un autre mode de production. Là, c’est tout un volet de notre programme pour Brest qui doit absolument jouer un rôle dans la transition énergétique. Il faut un plan industriel et une politique industrielle pour Brest.
« Nous augmenterions le versement transport, uniquement pour les entreprises de plus de 11 salariés ».
4°) Vos autres mesures en matière d’écologie sont notamment le développement des Énergies Marines Renouvelables (EMR) et la constitution d’une ceinture maraîchère autour de Brest, pouvez-vous m’en dire plus ?
Pierre-Yves Cadalen : Sur les EMR on ne peut que regretter qu’aucun rapport de force n’ait été mené avec l’État. Dans la programmation pluriannuelle de l’énergie proposée par le Gouvernement du Président Macron et du Premier ministre Édouard Philippe, la part des EMR est stable. C’est un vrai problème, parce que c’est une énergie d’avenir, qui ne présente pas les risques qui sont consubstantiels à l’énergie nucléaire et qui permettrait de jouer un rôle d’auto-suffisance énergétique sur le plan national. Brest a un rôle à jouer dans ce domaine, ne serait-ce que sur le plan de la recherche et industrielle.
Sur le polder on va bien finir par y mettre quelque chose. On n’a pas fait plus de 220 millions d’€ de travaux, en plus pour que les choses soient mal ficelées à la fin, juste pour assembler des éoliennes. Il faut que la production se fasse à Brest. Là il faut négocier avec l’État en faisant pression avec les industriels. Il faut des investissements, qui peuvent être privés, mais de préférence publics, qui constituent une garantie. Le rôle du maire de Brest, c’est de négocier. C’est un combat commun qui peut être mené avec les ouvriers, les syndicats, même les industriels. Le moment venu l’opposition aura son rôle à jouer.
Moi, je disais l’autre jour à madame Bernadette Malgorn que j’étais persuadé qu’elle était convaincue d’un grand plan industriel pour Brest. D’autres filières industrielles peuvent se développer à Brest comme la déconstruction navale, qui constitue à Brest un enjeu écologique important. Aujourd’hui on sait qu’il y a des chaînes de recyclage et de retraitement des matériaux issues de la reconstruction. D’autant plus que nous avons des formes de radoub au port de commerce et même à la Penfeld sur lesquelles la Marine nationale ne fait plus grand chose. Il faut ouvrir la Penfeld aux activités civiles. Il n’y a que de vagues promesses. En plus, j’ai entendu dire que le Préfet maritime revenait sur ses promesses, donc, si vous voulez, ce n’est pas réjouissant.
Sur le deuxième volet de votre question, la ceinture maraîchère, cela répond à une aberration. Une partie du bio des cantines scolaires brestoises vient de la ferme de Traon-Bihan, entre parenthèses que l’actuelle majorité a ravagé en partie par les programmes d’expansion urbaine, mais une autre partie du bio est fournie par Sodexo, donc ça nous vient d’Espagne ou d’Italie. C’est ahurissant ! C’est aberrant !
Notre objectif avec la création de cette ceinture maraîchère, c’est d’avoir du 100 % bio et local dans les cantines des écoles publiques. On prévoit également l’aide à l’installation pour les nouveaux agriculteurs en bio ou l’aide pour ceux qui se reconvertiraient du conventionnel au bio.
Nous garantirons aussi la stabilité économique aux nouveaux producteurs bio par la commande publique. Même des chômeurs de longue durée qui voudraient s’installer en agriculture biologique pourront avoir des aides dans le cadre de l’expérimentation qu’on veut mettre en place de Territoire Zéro chômeurs. La ceinture maraîchère existait non seulement à Brest mais aussi dans toutes les villes de France auparavant. Cela correspond en même temps au concept d’autonome alimentaire et de résilience au changement climatique. Produire tous nos biens de consommation ailleurs, c’est délirant, autant sur le plan écologique qu’économique et social, puisque la mondialisation détruit des emplois ici pour exploiter des gens à l’autre bout de la planète.
« Il faut ouvrir la Penfeld aux activités civiles ».
« Notre objectif avec la création de cette ceinture maraîchère, c’est d’avoir du 100 % bio et local dans les cantines des écoles publiques ».
5°) Un an après la crise des Gilets jaunes qui avait marqué une défiance forte envers les institutions et les élites en général, et dans un contexte de dégagisme des anciennes élites depuis la dernière élection présidentielle de 2017, vous présentez une liste ne comportant aucun ancien élu, vous mêmes, vous n’avez que 27 ans et vous n’avez jamais exercé de mandat politique. Pensez-vous que cela constitue un critère suffisant pour être élu au prochain scrutin municipal ?
Pierre-Yves Cadalen : D’abord, nous présentons un programme complet que vous prendrez la peine de lire, j’espère. L’équipe est composée de 55 personnes venant de diverses professions avec des métiers ouvriers, des professions indépendantes, des professions de la fonction publique, et tout cela avec un haut niveau de qualification. Donc, il y a une équipe prête à gouverner la ville sur des principes nouveaux.
Nous sommes la liste des idées neuves. Ma candidature n’est pas celle du jeune écervelé qui n’aurait aucune idée. Les gens savent que je suis parvenu à aller au second tour des législatives en 2017, que je suis ferme sur mes principes, cohérent. Je viens d’obtenir une thèse. J’ai donc une expérience réelle, malgré mon jeune âge. Mais ça n’est pas un argument de campagne en soi.
L’argument, c’est qu’il y a besoin d’idées structurantes pour changer la politique municipale : la gratuité des transports, le référendum d’initiative locale et un plan industriel pour Brest. Après j’entends partout que demander un quatrième mandat pour François Cuillandre, c’est trop ! Quant à Bernadette Malgorn, je ne pense que sa liste de droite puisse l’emporter. Tout le monde considère quand même que Madame Malgorn est la candidate de la droite. Après elle dit ce qu’elle veut. Brest n’est pas une ville qui va se donner à la droite, donc s’il y a un fort niveau de participation populaire à cette élection, je ne pense pas que madame Malgorn puisse gagner la mairie.
Notre liste est la plus cohérente pour battre madame Malgorn au second tour. La liste de François Cuillandre ne me semble pas en capacité de gagner. Je porte une vision rassembleuse sur les classes moyennes et populaires et l’idée de la gratuité des transportes est fédératrice chez les gens. Donc, la dynamique qu’on est en train d’enclencher sera fédératrice également au second tour. Il y a une envie de renouveau de la part des Brestoises et des Brestois et on incarne la relève.
« Je ne pense pas que madame Malgorn puisse gagner la mairie ».
Marc Gidrol : Tu penses être présent au second tour ?
Pierre-Yves Cadalen : Ah oui. Pourquoi ? Pourquoi ce sourire ?
(Je lui confie que des gens doutent de sa victoire à l'élection municipale).
Pierre-Yves Cadalen : Ah ! Oui, et bien grand bien leur fasse. Je rappelle que Patricia Adam lors des dernières législatives ne nous voyait pas du tout au 2d tour. Elle rigolait. Il y en a qui pensent qu'ils peuvent gagner en voyant seulement 2 000 personnes qui se connaissent tous dans une salle. Il y a 84 000 électeurs à Brest ! Donc, elle peut rigoler Madame Malgorn. Elle ne connaît pas 84 000 électeurs. Si les gens qui ne votent pas d’habitude viennent voter, ils ne viendront certainement pas voter pour elle. Quant les classes populaires se mobilisent, ils ne votent pas pour Sarkozy.
Mais la France Insoumise incarne un espoir pour les gens, qui savent qu’au second tour on ne va pas aller faire de la tambouille politique. On a une super équipe depuis 2017 qui n’a pas cessé d’être sur le terrain. Beaucoup ne veulent plus voter Cuillandre ni voter pour les Verts, car ils ont compris que le liste EELV est une liste de rabattage pour le Parti socialiste au second tour. Plein de gens considèrent que l’alternative est chez nous.
« Elle peut rigoler Madame Malgorn. Elle ne connaît pas 84 000 électeurs ».
6°) Quelles sont vos propositions pour développer l’attractivité économique de Brest ?
Pierre-Yves Cadalen : On peut commencer par le petit commerce. La gratuité des transports va avoir des effets bénéfiques induits pour le petit commerce. De plus, on mettra en place un outil que permet la loi, c’est la taxe foncière progressive en fonction des années d’inoccupation des logements et des locaux commerciaux. Pour les locaux commerciaux le montant des loyers baissera globalement.
Ensuite il y a le volet autour de la recherche et de l’activité industrielle au port. Mais là c’est inter-niveaux de pouvoirs. Il faut aller négocier avec la Région, avec l’État, avec la CCI. Le dynamisme économique de Brest passe par le port. La priorité économique de Cuillandre c’est de faire de l’immobilier et du tourisme. Nous, nous considérons comme important, vis-à-vis de l’urgence écologique, de relancer l’activité industrielle à Brest. Ce qui fait l’attractivité aussi de Brest c’est l’université avec ses 25 000 étudiants. L’idée d’en faire une ville modèle sur le plan de la solidarité et de la transition écologique participera aussi à son attractivité.
7°) En matière de sécurité, vous demandez davantage d’effectifs de la police nationale, 100 policiers de plus qu’à l’heure actuelle, ainsi que la création d’un service unifié de médiateurs. Pourquoi vous opposez-vous à la création d’une police municipale et à la mise en place d’un système de vidéo-protection ?
Pierre-Yves Cadalen : Partout où ces deux outils ont été mis en place, cela s’est révélée coûteux et inefficace. En plus, partout où la police municipale a été mise en place, les effectifs de la police nationale ont baissé. Alors, ici à Brest, on a franchement pas besoin de ça ! Pour la vidéo-protection, le taux de résolution des cas de délits et crimes n’est que de 2 à 3 %. C’est pour cela que les deux propositions, je les trouve assez démagogique. En termes de politique publique, ça ne marche pas. Je me demande bien pourquoi le Rassemblement national, Madame Malgorn et Marc Coatanéa proposent cela. Nous pensons que la sécurité relève de l’État, et donc de la police nationale.
« Pour la vidéo-protection, le taux de résolution des cas de délits et crimes n’est que de 2 à 3 % »
Marc Gidrol : Vous êtes opposé donc à l’idée d’une police municipale armée pour pouvoir se défendre ?
Pierre-Yves Cadalen : Non, mais déjà l’idée. La police nationale doit faire son travail et avoir les moyens de faire son travail. Si on veut que les gens ne soient pas abattus il faut leur mettre des gilets pare-balles de 20 ou 25 kilos. Je ne sais pas si elle veut ça dans les rues, madame Malgorn. Moi, je ne comprends pas ce truc là. Ça c’est démagogique encore. Vous armez des gens pour les empêcher d’être abattus. Mais depuis quand avoir un flingue cela empêche d’être abattu ?! C’est une arme offensive, ce n’est pas une protection. Donc, nous préférons la police nationale qui en plus présente des garanties d’indépendance par rapport à la ville. Si des jeunes posent problème dans certains quartiers, on fera appel aux médiateurs qui seront là pour calmer les tensions. Ceux-ci seront mieux formés qu’aujourd’hui.
« La police nationale présente des garanties d’indépendance par rapport à la ville ».
8°) Quelles sont vos propositions en matière culturelle pour Brest ?
Pierre-Yves Cadalen : Il y a suffisamment de grands équipements culturels à Brest. Il faut juste rénover le musée des Beaux-arts. La priorité est plutôt de développer les équipements de quartiers. Un des volets que j’aimerais bien développer est la relation entre les équipements de quartiers et les infrastructures culturelles existantes. Des choses se font déjà entre le musée d’art contemporain Passerelle et le quartier de Pontanézen mais qui méritent d’être approfondies. C’est là dessus qu’il faut développer la politique culturelle.
Ce qui manque, et c’est ce qu’on m’a dit dans plusieurs structures socio-culturelles de quartier, ce dont deux ou trois salariés. Plutôt que d’investir dans les grandes infrastructures culturelles du centre-ville, nous privilégierons l’octroi de moyens aux associations et aux patronages laïques. Nous réquisitionnerons des locaux vides par le droit de préemption de la mairie pour en faire des résidences de création artistique. Pour mettre fin à l’opacité de la gestion des équipements culturels, nous réintégrerons les sociétés d’économie mixte dans le giron municipal comme Brest’Aim dont fait partie Le Quartz.
Marc Gidrol : Bernadette Malgorn critique aussi l’opacité de tous ces satellites de la métropole.
Pierre-Yves Cadalen : Là-dessus on est d’accord. Cela correspond juste à une conception de l’action publique visant à priver l’opposition et les citoyens de leur droit de regard sur la gestion du budget municipal et métropolitain.
9°) Êtes-vous favorable au transfert du stade de football du stade Francis Le Blé au Froutven ?
Pierre-Yves Cadalen : Non, parce que nous sommes attachés au football populaire et à l’accès aux matchs de football au centre-ville. Cette conception nous convient mieux que celle du football business qui préside au projet du stade au Froutven qui portera le nom d’une grande marque privée. Ce sera une « machine à cash » en fait et ce stade au final ressemblera plus à un grand centre commercial, puisqu’il y aura seulement 50 % des activités qui seront dédiés au foot. Nous sommes plutôt favorable à la rénovation du stade Francis Le Blé. De plus, nous sommes contre l’artificialisation des terres.
10°) Comment compte-vous gouverner la ville si vous êtes élu ce mois-ci ?
Pierre-Yves Cadalen : Contrairement à la municipalité sortante qui place la prééminence du maire et de quelques adjoints seulement, ce qui ne permet que quelques interlocuteurs valables pour les citoyens, nous nous fonctionnerons en collectif. Tout l’équipe municipale sera responsable devant les citoyens. Ensuite, on tient à séparer le mandat de maire du mandat de président de la métropole. Nous considérons que le pouvoir concentré entre les mêmes mains devient dangereux, il corrompt et il éloigne des citoyens.
Les indemnités du maire et du président de la métropole seront plafonnés à 3 fois le salaire de l’agent le moins payé de la collectivité brestoise (de la mairie ou de la métropole). Pour éviter toute dérive et enrichissement personnel des élus, nous signerons la charte ANTICOR.
Ensuite, on compte augmenter le pouvoir politique des citoyens par le référendum d’initiative citoyenne locale dont le conseil municipal s’engagera à respecter le résultat dès lors qu’une pétition aura réuni au moins 5 % des habitants, le référendum révocatoire des élus au plus tôt à mi-mandat et là aussi sur la base d’au moins 5 % du corps électoral élargi aux personnes étrangères vivant sur le territoire. Les citoyens auront aussi la possibilité d’interpeller directement les élus lors des conseils municipaux et une garantie de réponse leur sera apporté. Cette interpellation devra s’organiser par l’envoi de la question posée par mail, courrier ou par un formulaire qui sera disponible en mairie et sur Internet au-moins 48 heures à l’avance.
Il s’agit d’un panel d’idées qui sont de gauche. Le problème, c’est qu’avec François Hollande et avec François Cuillandre aussi au niveau local, le mot gauche a perdu de son sens. Nous augmenterons le pouvoir citoyen et on développera l’accès aux droits sociaux et politiques des gens.. Après, c’est évident que c’est dans le courant historique de la République que je m’inscris.
11°) Si vous n’êtes pas qualifié pour le second tour, pouvez-vous me dire quelle sera votre consigne de vote ?
Pierre-Yves Cadalen : On sera au second tour. Moi, je me sens tout-à-fait bien sur le terrain.
Une militante : On n’a pas prévu de discours d’adieu.
Un militant : Si Philippe Poutou fait 10 % à Bordeaux, il y a de l’espoir pour nous et on doit faire plus de 10 % ici à Brest normalement.
Propos recueillis par Marc Gidrol
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