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La liberté d'expression doit-elle être limitée ?

Suite aux attentats en janvier à Paris et en février à Copenhague, les écrits des philosophes du siècle des Lumières au XVIIIème siècle, prônant la tolérance et la justice, tels Voltaire (1694-1778), redeviennent d'actualité. Celui-ci a d'ailleurs autant lutté pour la justice que pour la tolérance religieuse. Il s'est notamment illustré lors de l'affaire Calas (1762-1765), commerçant toulousain, protestant, accusé à tort d'avoir tué son fils, parce que celui-ci voulait se convertir au catholicisme. De là Voltaire en a rédigé un petit livre, le Traité sur la tolérance, en 1763, dont des manifestants ont brandi des exemplaires lors de la grande manifestation du 11 janvier et dont les ventes en librairie sont en plein boom. 

Voici les premières lignes de ce traité qui trouvent encore un écho aujourd'hui :

 « Le meurtre de Calas, commis dans Toulouse avec le glaive de la justice, le 9 mars 1762, est un des plus singuliers événements qui méritent l’attention de notre âge et de la postérité. On oublie bientôt cette foule de morts qui a péri dans des batailles sans nombre, non seulement parce que c’est la fatalité inévitable de la guerre, mais parce que ceux qui meurent par le sort des armes pouvaient aussi donner la mort à leurs ennemis, et n’ont point péri sans se défendre. Là où le danger et l’avantage sont égaux, l’étonnement cesse, et la pitié même s’affaiblit ; mais si un père de famille innocent est livré aux mains de l’erreur, ou de la passion, ou du fanatisme ; si l’accusé n’a de défense que sa vertu : si les arbitres de sa vie n’ont à risquer en l’égorgeant que de se tromper ; s’ils peuvent tuer impunément par un arrêt, alors le cri public s’élève, chacun craint pour soi-même, on voit que personne n’est en sûreté de sa vie devant un tribunal érigé pour veiller sur la vie des citoyens, et toutes les voix se réunissent pour demander vengeance. »

Il a aussi composé une tragédie contre le fanatisme religieux dans laquelle il fustige autant le catholicisme que l'islam : Le fanatisme ou Mahomet prophète. Cette œuvre raconte la rivalité entre le prophète Mahomet et Zopire, celui-ci dénonçant son imposture et ses crimes. Mahomet révèle à Zopire son but ultime : asservir les Arabes et conquérir le monde (ce qui a une résonance d'actualité avec Daech qui poursuit le même objectif), et il propose à Zopire un pacte que ce dernier refuse. Mahomet le fait alors assassiner par son propre fils Séide. Par cette œuvre, Voltaire voulait faire passer un message d' « amour du genre humain et l'horreur du fanatisme » et révéler comment le fanatisme conduit à violer les lois de la nature. En fait, condamner l'islam comme une fausse religion, c'était une manière déguisée pour le philosophe de vilipender le christianisme même si à première vue il semblait l'épargner.

Dans l'Essai sur les mœurs, il atténue ses anciens propos sur l'islam. Le censeur donna un avis défavorable à la pièce Le fanatisme ou Mahomet prophète. Mais elle fut pourtant jouée à Paris le 9 août 1742, après avoir rencontré un succès en province, notamment à Lille où Voltaire y assista en personne. La critique jugea la pièce impie. Le Parlement porta plainte. L'auteur la retira. Cette tragédie a été jouée de nouveau il y a quelques années, en 2005, avec toujours autant de résonance par rapport à l'actualité, à Saint-Genis-Pouilly dans l'Ain, où elle a dû être représentée sous protection policière après que des menaces fortes de la part d'institutions et d'États arabes avaient été proférées. La pièce avait même été carrément annulée à Genève au début des années 2000. « Dans une République digne de ce nom, la liberté de publier ses pensées est le droit naturel du citoyen », proclamait pourtant avec force le philosophe.

Déjà le 2 février 2006 , le quotidien France-soir, titrait en Une : « Au secours, Voltaire ! » et publiait les caricatures de Mahomet parues auparavant dans un journal danois. Ces caricatures avaient déclenché la fureur des États arabes et la colère de l'opinion musulmane en général.

En 2011, les locaux de Charlie-Hebdo étaient incendiés par des musulmans extrémistes en réaction à la sortie du numéro spécial Charia-Hebdo consacrée à Mahomet et à l'islam. C'était déjà un avertissement à prendre au sérieux que personne visiblement n'avait pourtant pris à la juste mesure.

À l'élan de solidarité envers l'hebdomadaire satirique, Charlie-Hebdo, qui a suivi l'attentat du 7 janvier 2015, a succédé un retour de l'indifférence envers le travail des journalistes et des dessinateurs de presse. L'esprit du 11 janvier, si cher à nos dirigeants politiques s'est volatilisé. Ainsi les ventes du fameux canard sont retombées. De 8 millions d'exemplaires pour le numéro « des survivants », le numéro de mercredi 25 février a été tiré à 2,5 millions d'exemplaires. Mais les ventes décollaient péniblement déjà le jour de la sortie du numéro. Un kiosquier de Paris confiait mercredi 25 février : « En une heure, on en a vendu une vingtaine. La dernière fois, les 240 qu'on nous avait livrés étaient partis au bout d'une heure » (AFP, le 25 février 2015).

Si l'on se réfère aux philosophes du XVIIIème siècle et des siècles postérieurs, oui, la liberté d'expression ne doit pas connaître de limites. Tous les philosophes des Lumières, même si des divergences ou des rivalités pouvaient les opposer, comme entre Voltaire et Rousseau (1712-1778), ont tous défendu avec force le droit de s'exprimer librement, même contre le Roi ou l'Église. À partir du 16ème siècle, la religion est le sujet de débat entre les philosophes. 

Des philosophes comme Locke, Leibniz, Descartes, Spinoza remettent en question la toute puissance de l'Église et sa mainmise sur les esprits. Descartes par le fameux postulat : « Cogito, ergo sum »  le « Je pense, donc je suis », que l'on a tous appris en philosophie en Terminale, démontre que l'homme peut accéder au savoir par sa raison sans l'intervention de Dieu. Karl Marx, l'auteur avec Engels du Manifeste du Parti communiste en 1849, a bien dit aussi que « la religion est l'opium du peuple ».

Mais non, la liberté d'expression, comme toutes les autres libertés doit connaître des limites. La liberté d'expression ne va pas jusqu'à calomnier des personnes ou des croyances. Elle ne doit pas aller jusqu'à proférer des blasphèmes, ce qui il faut le dire, faisaient les feu dessinateurs de Charlie-Hebdo. Le Pape François, lui-même a reconnu que les dessins du journal satirique français avaient pu blesser les croyants de la religion musulmane dans leurs convictions religieuses. 

L'islam a donné au monde des grands penseurs au Moyen-Âge comme Averroès ou Ibn-Khaldoun. C'est grâce aux traductions arabes des écrits des philosophes gréco-romains comme Aristote que leurs pensées sont parvenues jusqu'à nous. Même si les dessins de Charlie-Hebdo ont pu blesser les convictions religieuses des musulmans, même si les dessinateurs de ce journal aiment bien faire de la provocation, rien ne justifie leur meurtre.

Mais, il faut accepter de remettre en question ses certitudes, sa mentalité d'homme occidental pour mieux comprendre celle des musulmans. Attention de ne pas tomber dans le piège de la guerre de civilisation, que prônait déjà le va-t-en-guerre ancien Président des État-Unis d'Amérique de 2001 à 2009, George W. Bush junior, qui a conduit son pays et une partie du monde dans une guerre dévastatrice en Irak en 2003, et dont on voit les conséquences néfastes avec la création de Daech ou État islamique dans le nord de l'Irak et de la Syrie.

En définitive il y a des sujets tabous, comme la religion musulmane (pour la religion chrétienne, cela fait depuis au moins 1905 avec la loi de séparation de l'État et de l'Église, qu'on peut la critiquer sans risquer d'être condamné au bûcher !), pour lesquels on devrait pouvoir s'exprimer sans limites, mais il faut prendre en compte les systèmes de pensées et les convictions religieuses des Musulmans et des Arabes qui ne sont pas les mêmes que pour nous et il faut les respecter.

Marc Gidrol

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