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Le socialisme, condamné à renoncer à ses idéaux ?

Lors de sa conférence de presse du mardi 14 janvier 2014 François Hollande a dévoilé un nouveau virage de sa politique dont les prémices se faisaient déjà sentir depuis un an, à savoir un tournant social-démocrate, que certains appellent même social-libéral. Par son « Pacte de responsabilité », il promeut une politique de l’offre pour créer des emplois et financer les avantages sociaux. Ce n’est pas la première fois dans l’histoire qu’un président ou un dirigeant socialiste se renie et adopte les dogmes traditionnellement dévolus à la droite.

1. Un tournant comparable à celui de Guy Mollet ?
Guy Mollet, président du Conseil de la IVème République du 5 février 1956 au 21 mai 1957, s'exprimant ici à la télévision le 12 novembre 1956 en pleine crise de Budapest en Hongrie après l'entrée des chars soviétiques dans la ville le 4 novembre pour mater la rébellion,  Source de l'image : fresques.ina.fr


Jean-Luc Mélenchon sur son blog compare le tournant social-libéral de Hollande à la virevolte de Guy Mollet, – président du Conseil du 5 février 1956 au 21 mai 1957 sous la IVème République (1946-1958) – à propos de la guerre d’Algérie (1954-1962). Guy Mollet, socialiste, Premier secrétaire de la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière) avait été élu sur la promesse de mettre fin à cette guerre coloniale qu’il appelait même « une guerre imbécile et sans issue » et qui coûtait cher en hommes et en finances à l’État français. Non pas qu’il envisageait l’autonomie ou l’indépendance de l’Algérie mais un changement de cap propre à éteindre les étincelles de la guerre : par des élections libres, une modernisation des structures économiques et une réforme agraire. Ce programme avait été celui du Front républicain lors des élections législatives du 2 janvier 1956 dont était issu le nouveau président du Conseil. Il comptait aussi sur un homme pour incarner cette politique : le général Catroux, qu’il nomme ministre en Algérie. Celui-ci a été ancien gouverneur général en 1943-44, cheville ouvrière de la politique de détente au Maroc, disciple de Lyautey et connu pour ses convictions républicaines bien ancrées.

Mais le nouveau président du Conseil intensifia l’effort de guerre sous la pression des colons et de l’armée. Après une visite mouvementée le 6 février 1956, Guy Mollet décida d’envoyer plus de contingents dans les départements de l’Algérie et en particulier à Alger. Ce jour là, le 6 février 1956,  au monument aux morts d’Alger, il est conspué par le petit peuple des colons (ouvriers, artisans, commerçants et petits fonctionnaires), qui lui jette à la figure des œufs pourris, des mottes de terre et des tomates mûres. Ceux-ci tels le cafetier Joseph Ortiz, le restaurateur Roger Goutalier ou l’avocat gaulliste Biaggi, ne veulent aucun compromis avec les rebelles algériens et ils montrent les bras, aidés par des anciens combattants, ceux des campagnes d’Afrique et d’Italie, ceux de la I ère armée et des vétérans de la guerre 14-18. Ils se méfient de ce gouvernement et surtout de Pierre Mendès France et de François Mitterrand, alors respectivement ministre d’État et ancien président du conseil du 18 juin 1954 au 6 février 1955 pour le premier et garde des Sceaux pour le second, suspectés de vouloir « brader » l’Algérie française. 
 
Des soldats français contrôlant des paysans algériens, pendant la guerre d'Algérie. Source de l'image : francecutlture.fr.
Au nom de l’union indissoluble entre la France et l’Algérie Guy Mollet se fait dicter sa conduite par les partisans de l’Algérie française. Choqué par la vindicte populaire et sous les pressions de Lambert, Préfet d’Oran et de Cuttoli, secrétaire général du gouvernement général, il renonce à nommer Catroux ministre délégué pour l’Algérie et nomme Robert Lacoste à sa place, un ancien fonctionnaire entré en politique par la Résistance et plus sensible au maintien de l’empire colonial que Catroux. Le programme de ce dernier se résume en trois points : cessez-le-feu, élections, négociations.

Le 16 février la politique algérienne est révisée et soumise aux votes des députés. Pour permettre la tenue d’élections, la restauration d’un climat apaisé est nécessaire et pour cela tous les moyens sont bons. Toute la classe politique soutint cette position. Réuni du 8 au 12 mars 1956, l’Assemblée nationale se dessaisit de son pouvoir législatif par 455 voix contre 55 pour donner carte blanche à Mollet et à Lacoste, les autorisant à prendre tout décret et « toute mesure exceptionnelle en vue de rétablir l’ordre ». Pour légitimer cette « loi-cadre », Guy Mollet évoque même la figure tutélaire de Léon Blum. Même les communistes jouèrent un jeu ambigu car ils se rallièrent à cette position tout en la condamnant. Les opposants à l’escalade de la guerre d’Algérie et les jeunes qualifièrent le gouvernement de « national-molletisme ».

Les effectifs de l’armée sont doublés durant l’année 1956 passant de 200 000 à 400 000 hommes, le service militaire voit sa durée passer de 18 à 27 mois. Depuis 1830, date du début de la colonisation de l’Algérie, aucun déploiement de force n’avait atteint une telle ampleur. Le but était autant de lutter contre les fanatiques de l’Algérie française que contre les rebelles algériens comme Messali Hadj du MNA (Mouvement national algérien) ou Abbane Ramdane du FLN (Front de libération nationale) ou les combattants de l’ALN (Armée de Libération nationale) qui mènent une véritable guérilla et sont appelés les viets par les militaires français. Ceux-ci sont convaincus de défendre le monde libre contre ces insurgés influencés, dit-on, par l’URSS et le marxisme. Au prix d’entorses à la morale. La terreur et l’endoctrinement sont pratiqués par l’armée française. Les pilonnages de poches de résistance du FLN (Front de libération nationale) par les paras s’intensifient. Des déplacements de villages entiers vers des camps de regroupement ont lieu, mais sans aucun résultat. Sous le commandement du général Massu, la torture est pratiquée avec la gégène à partir du 4 mars 1957, lors de la bataille d’Alger qui dura du 7 janvier 1957 à octobre de la même année.

Pour la défense de Guy Mollet, il faut convenir qu’il n’était pas un acharné de l’Algérie française. De plus, sa politique économique et sociale a un beau bilan. Toute une série de mesures sociales fut prise, dont la Vème République a hérité. Il a fait progresser les acquis sociaux, renouant en cela avec le Front populaire en 1936. Une troisième semaine de congés payés annuels est accordée aux travailleurs le 28 février 1956. La même année, le 5 mai, est crée un Fonds national de solidarité destiné à venir en aide aux plus défavorisés par un minimum vieillesse pour les anciens n’ayant aucune retraite, ainsi que par des allocations aux personnes handicapées et aux grands malades. Ce Fonds versait à l’époque 32 000 francs par an, ce qui était peu mais avait le mérite d’exister et qui était révolutionnaire pour l’époque, dans cette France de la reconstruction d’après-guerre et des « Trente Glorieuses ». À l’époque ce Fonds était géré par la Caisse des dépôts, et financé par une augmentation de 10 % de l’impôt sur le revenu, par divers prélèvements sur les spéculations boursières et les ressources foncières et surtout par la « vignette » automobile qui a connu une belle longévité. Une impulsion aussi était donnée dans le domaine du logement : à une époque où la France manquait visiblement de logements et en particuliers sociaux – l’abbé Pierre avait dû lancer l’appel de l’hiver 1954 – 320 000 constructions étaient décidées en 1956 sous la houlette de Bernard Chochoy, secrétaire d’État à la Reconstruction et au Logement. C’est sous son gouvernement qu’est lancé le « plan breton » d’aide au développement, le 18 mai 1956, préfigurant les politiques d’aménagement du territoire qui auront lieu ensuite sous la Vème République. Le gouvernement Mollet a été porté à une propension aux réformes sociales mais qui n’ont pas pu toutes aboutir faute de crédits suffisants justement parce que ceux-ci sont en grande partie hypothéqués par la guerre d’Algérie.

La comparaison entre François Hollande et Guy Mollet de la part de Jean-Luc Mélenchon est de ce point de vue anachronique car les enjeux ne sont plus les mêmes qu’à cette époque et injuste car sa mandature a été marquée par un réel progrès des avantages sociaux. Même si c’est vrai que sur la question algérienne, le rapprochement peut paraître pertinent car les électeurs de l’époque avaient pu se sentir trahis à l’annonce des premières mesures en Algérie qui continuaient la politique de ses prédécesseurs.

2. Ou à celui de François Mitterrand ?

En revanche, la comparaison avec le tournant de la rigueur de 1982-83 est là plus pertinente à mes yeux, car elle porte sur des points similaires, un retournement de politique économique d’un gouvernement socialiste après quelques années de politique de gauche.

Pierre Mauroy à gauche et François Mitterrand. Source de l'image : lexpress.fr.

La victoire de François Mitterrand le 10 mai 1981 avait soulevé d’immenses espoirs pour « le peuple de gauche » après 23 ans de gestion des affaires par les Gaullistes et la droite. François Mitterrand et son Premier ministre, Pierre Mauroy, en fonction du 21  mai 1981 au 17 juillet 1984, entendaient bien appliquer les 110 propositions de la campagne présidentielle. Et effectivement de juin 1981 au 14 juin 1982, date du premier plan de rigueur du gouvernement Mauroy, toute une série de réformes sociales modifie en profondeur la société française. La priorité des priorités du nouveau pouvoir fut de relancer la consommation intérieure pour faire repartir la machine économique. « La consommation populaire rallumera la production [1]», avait déjà pronostiqué François Mitterrand pendant sa campagne.

Le deuxième conseil des ministres du nouveau pouvoir socialiste décide, le mercredi 3 juin, la hausse du SMIC de 10 %, dont le tiers correspond à la seule prise en compte de la hausse des prix. Le salaire minimum mensuel s’établit dès lors à 2 900 francs. Les allocations familiales qui bénéficiaient à 4 millions de familles étaient augmentées de 25 % le 1er juillet 1981 tout comme l’allocation logement qui était encore créditée de 25 % supplémentaires le 1er décembre de la même année. Le minimum vieillesse aussi était revalorisé de 20 % le 1er juillet 1981 passant de 1 417 francs à 1 700 francs par mois. Son augmentation fut même de 62 % en deux ans. Réaliste, le gouvernement ne voulait pas mettre les entreprises en difficulté, il recommande alors aux employeurs de ne pas répercuter ces hausses sur l’ensemble de l’échelle des salaires, et leurs charges sociales étaient allégées, mais à titre exceptionnel. Dès le 10 juin, il était décidé la création de 55 000 emplois dans les domaines public et social. Un effort était entrepris pour l’emploi des jeunes par le « Pacte national ». Le gouvernement accordait des aides aux entreprises qui embaucheraient des jeunes.

Tout comme les Contrats de génération mis en service depuis le 3 mars 2013 par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault concédant une aide de 4 000 euros pour les entreprise de moins de 300 salariés qui embauchent un jeune tout en gardant un sénior et menaçant de pénalités financières celles de plus de 300 salariés qui n’appliquent pas cette loi. Les femmes en difficulté sociale n’étaient pas oubliées dans le train des réformes en 1981 ainsi que les agriculteurs. Le 12 juin, des négociations avec le patronat étaient lancées en vue de réduire le temps de travail. Celui-ci est passé de 40 heures à 39 heures sans réduction de salaires, par l’ordonnance du 18 janvier 1982 sur « la durée du travail et les congés payés », qui instituaient en même temps 5 semaines de congés payés, la cinquième semaine devant être séparée des quatre autres. La négociation fut laborieuse. Déjà à l’époque l’idée de la majorité était de baisser le temps de travail à 35 heures. Pour le syndicat CFDT un des ardents défenseurs du projet il devait être question même de « partager du travail » et pour ce faire de diminuer aussi le salaire. Mais le Président de la République s’opposait à cette ligne. Cette mesure n’eut donc aucun impact sur l’emploi, même si certains experts estimèrent qu’elle aurait créé 20 000 emplois, mais cela n’a jamais été démontré.

Les socialistes durant cette période semblent s’être lancés dans une démarche à tout va de réformes sociales qui devaient renouer avec les grandes heures de la gauche audacieuse, depuis la Révolution française en passant par 1848, les années 1880, 1936, 1945-46 et 1968, mais sans vouloir tenir compte des réalités budgétaires. Un seul ministre tira la sonnette d’alarme dès le 29 novembre 1981, ce fut Jacques Delors, ministre de l’Économie qui affirma dans l’émission du Grand Jury RTL : « Il faut faire une pause dans l’annonce des réformes. Mais en revanche il faut mener à bien soigneusement celles qui ont été décidées [2]». A posteriori, dans un entretien daté du 5 juin 1989, il reconnaissait que « la gauche ne peut pas arriver au pouvoir sans prendre quelques mesures pour ses électeurs qui sont les plus défavorisés du pays [3]», mais il nuance dans le même entretien « à bord de cette locomotive (de réformes) j’étais celui qui voulait surtout qu’on mette moins de charbon dans la machine [4]». Ses craintes étaient bien fondées. Le franc était dévalué de 3 % dès le 4 octobre 1981. Pour parer à l’augmentation des dépenses publiques il fallut dès juillet 81 faire voter par le Parlement un « collectif budgétaire », c’est-à-dire une loi de finances rectificative. Le déficit budgétaire fut de 80 milliards rien que pour l’année 1981. Les mauvais résultats économiques s’accumulèrent dans les mois suivants. Dès 1982, il y avait eu retour à une situation de récession.

C’est lors du 8ème sommet des pays industrialisés à Versailles du 4 au 8 juin 1982 que Pierre Mauroy aurait alerté le président de la République sur la situation économique du pays et l’aurait enjoint à accepter une politique de rigueur. Le 12 juin 1982 le franc était dévalué pour la deuxième fois. Le lendemain le premier plan de rigueur était adopté. En fait François Mitterrand était « alerté dès l’été 1981 sur le fait que sa politique de relance ne provoquera pas de miracle pour l’emploi [5]».

Attachés à leur programme de réformes généreuses les socialistes n’avaient pas pris la juste mesure de la crise économique mondiale. Le journaliste économique du Monde, Alain Vernholes commentait : « Lors de son arrivée au pouvoir, la gauche avait exagéré le bilan qui lui était laissé et elle avait sous-estimé une crise mondiale qui, bien loin de s’apaiser, était en train de s’approfondir [6]».

Ce plan de rigueur du 13 juin 1982 comportait plusieurs mesures pour réduire l’inflation sous la barre des 10 %. Les prix furent bloqués jusqu’au 31 octobre (sauf les prix agricoles et ceux des produits énergétiques) tout comme les revenus, salaires (sauf le SMIC), les marges commerciales, les loyers, etc. Des économies drastiques étaient prévues sur le budget 1983. Mais ce n’était rien encore comparé au tour de vis de l’année suivante. L’année 1983 fut qualifiée « l’état de disgrâce [7]».

Aux élections municipales des 6 et 13 mars 1983 le pouvoir socialiste perdit de nombreuses villes dont 31 de plus de 30 000 habitants. Le 21 mars 1983, le franc était dévalué pour la troisième fois en un an et demi et cette fois-ci la France ne pouvait plus échapper à un plan d’austérité sévère présenté dès le 25 mars par Jacques Delors, devenu ministre de l’Économie, des Finances et du Budget. Ce plan stipulait : un emprunt obligatoire de 10 % fondé sur les impôts payés en 1982 (au-delà de 5 000 francs d’impôt) qui devait rapporter 14 milliards ; un prélèvement de 1 % des revenus imposables de 1982 au bénéfice de la Sécurité sociale, soit 11 milliards d’économies à quoi devaient s’ajouter 4 milliards d’économies supplémentaires ; la réduction du déficit budgétaire par une hausse de la taxe sur les carburants qui rapportait 5 milliards et permettait une économie de 15 milliards ; une réduction de 11 milliards sur les crédits de financement de la RATP, de la SNCF et d’EDF, compensée par une diminution de leurs dépenses et une hausse des tarifs pour les usagers ; l’annulation de 7 milliards de francs de crédits gelés, auxquels viendrait s’ajouter une réduction supplémentaire de 5 milliards des dépenses publiques par de nouvelles économies budgétaires ; le renforcement du contrôle des changes avec en particulier, une réduction des allocations de devises des touristes se rendant à l’étranger. Concrètement, les Français ne pouvaient plus utiliser leur carte de crédit à l’étranger. Mesure qui fut la plus concrète et la plus douloureuse pour une grande partie des Français. Une somme de 65 milliards de francs était prélevée pour l’année 1983.

La droite s’indigna de cette politique notamment par la voix de Jacques Chirac, président du RPR (Rassemblement pour la République) et ancien Premier ministre de Giscard d’Estaing du 28 mai 1974 au 25 août 1976, qui disait le 3 mars 1983 à l’émission de radio Le jury RTL-Le Monde : « Nous sommes entre les mains d’irresponsables qui s’imaginent que la France est un terrain d’expériences pour l’idéologie socialiste [8]».

La relance de la consommation intérieure tant vantée par le Président et le gouvernement avait eu un effet pervers car elle avait favorisé les importations au détriment de la production nationale. En 1982 on avait enregistré « le plus important déficit commercial jamais enregistré [9]». En un an le solde déficitaire était passé de 51 milliards en 1981 à 92,7 milliards. « Le sinistre » de la balance commerciale, qui s’était redressée jusqu’au printemps 1981, était dû à la conjonction de l’augmentation de la consommation intérieure provoquée artificiellement et de la diminution de la production intérieure, aggravée par la diminution du temps de travail[10]. Jean-François Kahn, directeur de la rédaction du Matin, très proche des socialistes, pouvait ainsi commenter : « Le pouvoir socialiste n’a que deux ans d’âge. Et cependant il apparaît déjà voûté et courbatu. Prématurément vieilli par le poids du réel, comme si, sur l’avenant visage du changement, s’étaient déjà creusées les rides des rêves envolées [11]».

Une dernière mesure sociale fut prise le 1er avril 1983 avec l’entrée en vigueur de la retraite à 60 ans, par la loi du 4 février 1983. Cette réforme fut « un sujet crucial [12]» de ces années, car elle pesait sur la Sécurité sociale déjà bien endettée. Le coût de cette réforme était évalué à 17,5 milliards de francs, alors que la Sécurité sociale était déjà en déficit de 30 milliards de francs. Mais à cette date les jours du gouvernement Mauroy étaient comptés. L’union de la gauche était gravement fissurée dès le 8 avril 1983. Georges Marchais, Premier secrétaire du Parti communiste français, en partance pour la Grèce à l’aéroport de Roissy à cette date, confiait devant les journalistes : « Je ne suis pas disposé à avaler des couleuvres [13]». Mais le poids électoral du PCF avait diminué de beaucoup, ayant perdu ses bastions comme Sète, Reims, Saint-Quentin, Béziers, Nîmes, …, lors des municipales.

La cote d’impopularité du Premier ministre grimpa en flèche avec seulement 25 % des Français qui lui faisaient confiance d’après un sondage SOFRES-Le Figaro Magazine en juin 1984 alors qu’il avait été le plus populaire de tous les Premiers ministres de la Vème République en 1981[14]. Le 17 juillet 1984, Pierre Mauroy s’estimant désavoué, notamment sur la loi Savary du nom du ministre de l’Education nationale de 1981 à 1984, qui prévoyait un grand service public, unifié et laïque de l’Éducation nationale mais qui avait rencontré de vives résistances de la part des enseignants et des parents d’élèves des écoles catholiques dans toute la France durant l’hiver et le printemps 1984 jusqu’à « la manifestation géante », selon les mots de l’historien Jean-Baptiste Duroselle dans L’Année politique en 1984, le 24 juin 1984 à Paris, donna sa démission au Président de la République qui l'accepta. Laurent Fabius, un jeune énarque de 38 ans, issu de la bourgeoisie parisienne lui succédait le 17 juillet 1984. Celui-ci, très proche de François Mitterrand, pouvait continuer la politique de rigueur de son prédécesseur. Les communistes refusèrent de participer à ce nouveau gouvernement alors qu’ils avaient fait partie de tous les gouvernements Mauroy depuis 1981. « Trois ans aux affaires, et elle (la gauche) célèbre le profit, modernise la bourse, amorce la libération des prix et mène une politique active de ventes d’armes [15]». Le bilan est mitigé sur ces années de 1981 à 1984. Comme le disent avec ironie les journalistes Pierre Favier et Michel Martin-Roland :

« Si l’on fonde son jugement sur les résultats économiques et sociaux, alors la gauche n’a amélioré qu’à la marge le sort des plus défavorisés. Mais elle a étendu de nombreux droits sociaux, modernisé le tissu économique national, vaincu l’inflation, réconcilié les Français avec l’entreprise, poursuivi l’ouverture du pays vers l’extérieur, donné davantage de moyens à la recherche et fait le bonheur des boursiers [16]».

Si l’on fait le rapprochement avec l’actualité, on est tenté de se dire qu’à chaque fois que les socialistes sont élus au pouvoir, au bout d’un temps relativement court ils doivent mettre entre parenthèses leur programme et adopter un autre plan. Que ce soit pour la question de l’Algérie française en 1956 ou celle de l’économie française en 1983. Ce qui était vrai en 1956 ou en 1983 l’est encore en 2014. François Hollande peut toujours se conforter en suivant les propos de François Mitterrand, lorsque celui-ci affirmait lors d’un entretien à Poitiers en novembre 1983 : « Je suis sûr du temps donné à un chef de l’État en France. Une action ne prend son sens qu’à travers la durée. J’ai l’intime conviction que les Français s’en rendront compte [17]».

Marc Gidrol



[1] Cité in Pierre Favier et Michel Martin-Roland, La Décennie Mitterrand, Paris, Éditions du Seuil, tome 1 Les Ruptures (1981-1984), 1990, p. 75.
[2] Cité in Jean-Jacques Becker, Crises et alternances, 1974-2000, Paris, Éd. du Seuil, collection « Nouvelle Histoire de la France contemporaine », Points histoire, 2ème édition 2002, p. 261.
[3] Cité in Pierre Favier et Michel Martin-Roland, La Décennie Mitterrand, op.cit., p.75.
[4]Id., p.401.
[5]Ibid., p. 403.
[6] Jean-Jacques Becker, Crises et alternances, 1974-2000, op. cit., p.284.
[7] Jean Charlot, « l’année politique », in Encyclopaedia Universalis, Universalia 1984, p250, cité in Jean-Jacques Becker, Crises et alternances, 1974-2000, op. cit., p.290.
[8] Cité in Jean-Jacques Becker, Crises et alternances, 1974-2000, op. cit., p.295.
[9] L’Année politique 1982, p. 597.
[10] Jean-Jacques Becker, Crises et alternances, 1974-2000, op. cit., p.287.
[11] Jean-François Kahn, Et si on essayait autre chose ?, Paris, Éd. du Seuil, 1983, p223, cité in Jean-Jacques Becker, Crises et alternances, 1974-2000, op. cit., p. 295.
[12] Jean-Marie Colombani et Hugues Portelli, Le Double Septennat de François Mitterrand. Dernier inventaire, Paris, Grasset, 1995, p.288.
[13] Cité in Pierre Favier et Michel Martin-Roland, La Décennie Mitterrand, op.cit., p. 496.
[14] Jean-Jacques Becker, Crises et alternances, 1974-2000, op. cit., p. 315.
[15] Cité in Pierre Favier et Michel Martin-Roland, La Décennie Mitterrand, op.cit., p. 104.
[16] Id.
[17] Ibid, p. 502.

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