Le conseil municipal de Brest s’est réuni jeudi 7 février, avec beaucoup de rappels à l’actualité sociale et économique.
Effectivement, en début de conseil, plusieurs élus sont revenus sur les questions qui ont agité la crise des gilets jaunes : le malaise social, la perte de pouvoir d’achat, le sentiment d’abandon par les pouvoirs publics.
Sylvie Jestin, de la majorité municipale, rappelle que « les deux revendications fortes des gilets jaunes, à savoir, davantage de justice fiscale et de démocratie, rejoignent les deux idéaux de gauche qui irriguent notre programme d’action à Brest. « Le système économique néo-libérale est à l’origine des inégalités sociales et du réchauffement climatique », accuse l’élue socialiste.
L’UDB par la voix de sa représentante au sein de la majorité municipale, Madame Anne-Marie Kervern, relie la crise des gilets jaunes à celle de « l’État et de la démocratie représentative ». Elle admet que si « les revendications des gilets jaunes ne sont pas territoriales elles peuvent le devenir ». « L’interlocuteur, c’est l’Etat encore l’État, toujours l’État », déplore l’élue régionaliste dans son réquisitoire contre un État encore trop jacobin à son goût. « L’UDB considère que l’échelon municipal est le meilleur pour relier les décisions aux citoyens », stipule l’élue girondine.
Patrick Appéré, l’élu de la gauche radicale, ancien syndicaliste de la CGT, tout en faisant partie de la majorité municipale depuis plusieurs mandatures, dénie à la droite la légitimité pour récupérer à son profit le mouvement des gilets jaunes et, notamment sur la revendication de ceux-ci sur le pouvoir d’achat. Il rappelle que « à chaque fois que la droite a été au pouvoir, il n’y a jamais eu aucune revalorisation du Smic ».
Michel Calonnec (BA), rétorque, chiffres à l’appui (ceux de l’INSEE) que « les salaires moyens et minimums ont entre 1959 et 1979 augmenté de 200 %, alors qu’entre 1981 et 1995 (période correspondant aux deux septennats du Président socialiste, François Mitterrand) ces salaires n’ont augmenté que de 10 % ». « Mais il faut tenir compte de l’inflation », lui lancent des élus de la majorité, visiblement agacés. « Ces chiffres tiennent compte de l’inflation », répond calmement le doyen des élus de la droite brestoise, tous groupes confondus, monsieur Calonnec.
Patrick Appéré dénonce aussi « une perte de pouvoir d’achat de 20 % pour ceux qui créent les richesses dans ce pays ». L’élu marxiste pose la question de la crédibilité de la parole en politique, et notamment du financement des projets, car « quand on se fait piller tel la diligence qui passe, ce n’est pas acceptable », en pointant un doigt accusateur vers le gouvernement. Celui qui en a vécu des conflits sociaux « en 15 ans dans la navale », en tant qu'ancien responsable syndicaliste CGT, reconnaît que « on était moins bon que les gilets jaunes ». Puis il met en garde : « On recule sur les droits de l’Homme, en deux mois de conflit il y a eu 94 blessés graves parmi les manifestants (notamment à cause du LBD ou lanceur de balles de défenses), et ce n’était pas des casseurs, mais des gens qui manifestaient pacifiquement », déplore l’élu révolutionnaire. « Tous les manifestants interpellés lors des manifestations ont été sévèrement réprimés par la justice à des peines de prison ferme, on n’a pas vu cela depuis plus de 70 ans, cela rappelle des heures sombres de notre histoire, alors oui je suis en colère », s’égosille encore l’élu gauchiste.
Marif Loussouarn, élue écologiste d’Europe Écologie Les Verts (EELV) avoue qu’au « début du mouvement des gilets jaunes, nous, les écologistes, nous étions assez réservés parce qu’il s’agissait d’une révolte contre la hausse des taxes sur le carburant, et puis, je suis convaincu que les choses avancent par les luttes ». « Il faut dorénavant faire avancer les choses avec les citoyens », défend l’’élue écolo.
Julie Le Goïc, élue anarchiste, ancienne élue d’EELV, se réjouit « d’entendre ici des mots de soutien envers les gilets jaunes ». Puis elle se lance dans une diatribe comme elle en a l’habitude, contre l’exécutif central, à Paris, mais aussi contre l’exécutif local, allant jusqu’à parler de « crise morale » en rapport à l’affaire Benalla, et à celle des élus de la majorité brestoise mis en cause par la justice dans l’affaire des indemnités des élus socialistes.
Justement à propos de cette affaire qui avait notamment motivé le départ précipité des élus RPB lors du conseil municipal du 19 décembre 2018, Bernadette Malgorn, la meneuse du groupe RPB, rappelle que le premier édile de la ville, Monsieur François Cuillandre n’a pas « souhaité donner suite à notre proposition de constitution d’une mission d’information et d’évaluation » sur « la conformité du fonctionnement de notre collectivité aux principes et aux règles de la transparence de la vie publique ». Elle rappelle que suite à sa demande d’obtenir des informations sur les indemnités des élus celui-ci lui a envoyé les documents relatifs à son patrimoine que « (son) groupe examinera ».
Toutefois, RPB déplore encore une obstruction selon eux à leur présence dans des structures dépendantes de la ville comme une visite refusée à la résidence de Poul-ar-Bachet ou à un refus d’invitation à la commission du PL Guérin.
L’élue de la droite bonapartiste (en raison de sa proximité idéologique avec Philippe Séguin avec qui elle a travaillé et de son discours s’adressant aux classes populaires et moyennes brestoises, tout en revendiquant un exécutif fort légitimé par le peuple, y compris par le césarisme s’il le faut), Mme Malgorn, rappelle que la ville finance le CCAS dont dépend la résidence pour personnes âgées de Poul-ar-Bachet, à hauteur de 4,5 millions d’€ tout de même.
À la suite de la Chambre régionale des comptes, elle reprend à son compte le terme d’ « enchâssement » pour qualifier « de manière neutre les relations entre les collectivités territoriales brestoises et leurs satellites » comme le CCAS. Elle réitère son accusation de « nébuleuse » à propos du « groupe territorial » (qui) « mériterait de voir clarifiées ses multiples intrications », défend-t-elle.
François Cuillandre lui répond que « le rapport sur la résidence de Poul-ar-Bachet a été présenté la semaine dernière en commission et le groupe RPB était absent ». Le premier magistrat de l’agglomération brestoise s’indigne que « les élus RPB demandent à visiter une résidence pour personnes âgées, qui plus est avec des espaces privatifs ».
La chef de file de la droite brestoise s’énerve que « ce n’est pas la première fois que l’on remet en cause notre présence ou notre absence, je regrette que les portes se ferment ».
François Cuillandre réplique : « Écoutez, on ne partage pas les mêmes valeurs, c’est ainsi ». Puis plus tard durant le conseil municipal il est revenu sur le départ précipité des élus RPB lors du conseil du 19 décembre qu’il qualifie « d’attitude théâtrale ». Réza Salami, élu de la majorité de gauche, avoue « ne pas comprendre vouloir être là quand vous n’êtes pas invité (le groupe RPB, NDLR) et être absent quand vous l’êtes ! »
Bernadette Malgorn évoque elle aussi le mouvement des gilets jaunes, mais pour mieux appuyer son discours contre l’exécutif local, notamment par rapport à ce qu’elle considère comme de l’opacité : « Une démocratie vivante, c’est le débat, le respect des minorités, le contrôle par des contre-pouvoirs ».
Claudine Péron (RPB), membre du Conseil d’administration du Patronage Laïque (PL) Guérin déplore qu’elle était « la seule élue lors du dernier conseil ». « Les leçons c’est bien, mais il faut balayer devant sa porte », lance l’ancienne commerçante brestoise, Mme Claudine Péron.
Madame Julie Le Goïc, l’élue « altermondialiste », rappelle que l’ancien maire de Brest, Monsieur Pierre Maille, est mis en cause par la justice dans un dossier révélant une atteinte à l’égalité des candidats dans une affaire de marché public des transports. Il lui est reproché d’avoir favorisé des entreprises locales au détriment de grands groupes. Il est plutôt étonnant d’entendre de la bouche de l’élue anarcho-syndicaliste une telle accusation. Serait-elle plutôt alors en faveur des grandes multinationales au détriment des entreprises et de l’emploi local ? Vraiment, tous les arguments sont bons, même les plus limites, pour s’opposer à l’exécutif local, pour Mme Julie Le Goïc.
François Cuillandre rétorque à l’élue anarchiste : « C’est facile ici de mettre en cause des gens qui ne sont pas là ». « Il lui est reproché à Pierre Maille d’avoir favorisé des entreprises locales par rapport aux grands groupes », rappelle le premier édile brestois.
Le Conseil portait sur le budget primitif 2019 de la ville. Les recettes de la ville ont augmenté de 145 millions d’€, soit + 1, 3 % par rapport à l’an passé. L’encours de la dette atteint 33,4 millions d’€, soit 6 années environ. Globalement, les recettes fiscales de la ville ont augmenté. Les dotations de l’État augmentent pour la première fois depuis quatre ans, à hauteur de 3,8 %. Les recettes augmentent mais moins que l’inflation qui se situe à 1,4 %. La ville dispose de 20 millions d’euros supplémentaires cette année pour la culture, les sports et le cadre de vie urbain. Cet investissement finance notamment la réalisation du nouveau gymnase Foch, le futur skate-parc au jardin Kennedy et l’installation d’un nouveau terrain synthétique de sport. Mais aussi le déménagement de l’atelier des arts de la rue, Les Fourneaux, aux Capucins.
Les investissements atteignent 19 millions d’€.
La ville investit 7 millions d’€ pour l’éducation, soit plus d’un tiers des dépenses d’investissement. Le sport absorbe 4,5 millions d’€ des investissements.
Madame Collovati (BA), du groupe sécessionniste de la droite brestoise, se félicite que « l’annuité de la dette soit stabilisée et que le désendettement se poursuive ».
La palme des louanges envers ce budget revient sans doute à Monsieur Fortuné Pellicano, ancien élu de la droite brestoise parti rejoindre la majorité de gauche à la mairie en 2014. « Tout ce qui a été dit sur ce projet est positif ». « Les indicateurs sont bons ». Il note même avec ironie que « Madame Collovati a dit des louanges sur ce budget ». Puis, sur un ton de curé il annonce : « Ce budget est une bonne nouvelle » . « Depuis 10 ans les impôts n’ont pas augmenté à Brest, les dépenses de fonctionnement ont été bien maîtrisées tout en maintenant un bon niveau de service public », se félicite monsieur Pellicano. « Ce budget, c’est du concret pour le porte-monnaie du contribuable, c’est un budget qui nous permettra d’agir ensemble pour Brest », résume le « courtisan » de l’exécutif local, Monsieur Pellicano.
Jacqueline Héré, du groupe « Communistes et citoyens » appartenant à la majorité municipale, note que « nous devons être ingénieux pour garantir un niveau de service public développé, malgré la baisse des dépenses publiques de 13 milliards d’€ par l’État cette année, donc nos collectivités sont étranglées ». Elle annonce que son groupe vote ce budget. Tout comme Patrick Appérré qui juge que « c’est un très bon budget pour 2019, on est content de le voter », résume-t-il. Christiane Migot, élue de la majorité, si elle se réjouit de ce budget aussi elle stipule qu’il faut aller plus loin dans les investissements, avec une citation d’Ernesto Che Guevara à l’appui : « Soyons réalistes, demandons l’impossible ».
Seule voix discordante parmi les élus de gauche, celle de Julie Le Goïc (comme d’habitude j’ai envie de dire), Elle dénonce notamment « la suppression d’emplois au sein de la collectivité due à la maîtrise des charges de personnel, et l’appel à des contractuels ». Thierry Fayret, en charge du budget, lui répond qu’en « trois ans, nous avons embauché un contractuel de plus, donc l’argument n’est pas justifié ».
L’élue anarchiste, Julie Le Goïc, relève « une forme de contradiction parmi les interventions des élus de (votre) majorité et pourtant tous vont le voter (le budget, NDLR) ». L’élue libertaire explique pourquoi elle votait les budgets avant, quand elle appartenait à la majorité, et que maintenant elle vote contre, parce qu’elle voit les budgets et projets « avec un regard extérieur, plus distancié, et avec l’éclairage de personnes extérieures ».
Bruno Sifantus (RPB), le juge à charge contre la gestion des finances de la ville par la majorité, réitère ses accusations contre le logement social à Brest comme il l’avait fait la semaine dernière au Conseil de BM. « BMH est un colosse aux pieds d’argile ! », juge-t-il. Il avertit des risques à très court-terme pour l’office de logements sociaux de Brest, compte tenu de la baisse des APL : « Si BMH se voit contraint d’augmenter ses loyers alors que les associations pointent la préconisation des locataires, c’est le signe que les difficultés sont bien réelles », avertit l’élu de la droite brestoise.
Thierry Fayret lui répond : « On a un Office HLM qui est bien géré et on peut en être fier ». Revenant sur la valeur travail brandie par le groupe RPB, il s’interroge et défend : « La valeur travail est bien ancrée à la fois chez nos élus et chez nos fonctionnaires ».
François Cuillandre ajoute : « On sait ce qu’est être de droite et de gauche, à gauche on est pour investir dans l’habitat social, pour loger les gens aux faibles revenus, pour le patrimoine public qui est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas ».
Le conseil municipal, en écho aux gilets jaunes, se voulait axé davantage sur la question du pouvoir d’achat des Brestoises et des Brestois, et sur celle de la justice sociale. Avec parfois même des références à des révolutionnaires marxistes comme celui d’Amérique latine, Ernesto Che Guevara, cité par Christiane Migot. Reste maintenant à savoir si les actes de l’exécutif local seront en adéquation avec les paroles et que celui-ci fera vraiment un geste pour le pouvoir d’achat à Brest, car comme l’a rappelé, à juste titre, madame Claudine Péron, « les paroles, c’est bien, mais il faut du concret aussi pour les gens ».
Marc GIDROL
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