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Mariage pour tous : une loi qui ne passe pas !

Une vue de la manif pour tous du 13 janvier 2013. Source de l'image : Wikipedia.org.

La loi du mariage pour tous votée le 23 avril par le Parlement et publiée au journal officiel le 18 mai dernier autorise le mariage entre personnes du même sexe. Les contestataires n’ont pas dit leur dernier mot. Car ils opposent la légitimité à la légalité d’une loi. Ils continuent à battre le pavé pour manifester leur désapprobation d’une telle loi qui bouleverse radicalement la conception familiale. Car derrière le mariage pour tous, se profile les questions de la procréation médicalement assistée (PMA) et de la gestation pour autrui (GPA). Ligne rouge à ne sans doute pas franchir.
C’est pourquoi, le mariage pour tous aura profondément divisé le pays et soulevé les passions comme jamais sans doute depuis l’abolition de la peine de mort en 1981. C’est une réforme sociétale indéniable auquel s’est livré le gouvernement actuel. Mais c’est aussi une avancée considérable pour la communauté gay qui peut à l’instar des couples hétérosexuels se marier. Les droits du conjoint et des enfants élevés par le couple homo sont ainsi garantis tout en n’enlevant aucun droit aux hétéros. Les premiers mariages gays auront lieu à partir du mercredi 29 mai. La énième manifestation pour tous des antimariage gay s’est encore terminée dans une bataille rangée entre forces de l’ordre et jeunes radicaux ou casseurs à Paris dimanche 26 mai. Celle-ci a rassemblé plus d’un million selon les organisateurs et 150 000 selon la police. Parmi ces jeunes radicaux, on retrouve ceux du Printemps français, mouvance d’extrême droite reprenant les thèmes de combat des mouvements catholiques de la fin du XIXème siècle et des mouvements néo-fascistes. Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, pense même à interdire ce groupuscule. Des menaces de mort de la part de certains de ses membres auraient été proférées contre l’égérie du mouvement, Frigide Barjot. Celle-ci s’est d’ailleurs abstenu de participer à la manif de hier.

Que peut-on dire à propos du Printemps français ? Sa porte-parole, Béatrice Bourges le qualifie d’ « insurrection de la conscience ». Selon elle,  ce mouvement revendique « un héritage pluriel : le franc-parler des prophètes juifs, la sagesse gréco-romaine, la fraternité évangélique, la liberté des Lumières, les luttes populaires pour la justice sociale …» (Le Monde du 19 avril 2013). Références étonnantes de la part d’une représentante d’un mouvement réactionnaire comme celui-ci. D’autant plus quand on sait que la sagesse gréco-romaine dont elle se prévaut ne blâmait pas l’homosexualité en tant que telle qui était largement répandue dans les sociétés antiques d’ailleurs. Plutôt que d’homosexualité, il serait plus correct d’employer l’expression d’amours masculines, car les Grecs et les Romains de l’antiquité ignoraient le concept d’homosexualité. Les amours masculines faisaient partie de comportements reconnus à cette époque, destinés à l’éducation des jeunes hommes pour leur entrée dans la vie adulte. La relation s’inscrivait entre un partenaire plus âgé et actif dans le rapport sexuel (éraste) et l’élève qui est passif (l’éromène). Quant à la Rome antique, une loi, la loi Scantinia datant de 149 avant notre ère, reprise par la législation augustéenne punissait le viol d’adolescents de condition libre et les vierges de naissance libre, non pas tant du point de vue de l’orientation sexuelle en tant que telle mais du rôle joué dans la relation suivant le dualisme actif/passif. Comme le dit l’historien Paul Veyne : « Prendre du plaisir virilement ou en donner servilement, tout est là » (Paul Veyne, « Rome : une société d’hommes », L’histoire, n°30, pp. 76-78). L’homosexualité était synonyme de virilité dans l’antiquité. L’efféminé était même l’objet d’opprobre. Le poète comique grec Aristophane raille volontiers un efféminé qui s’épile comme les femmes mais vante dans sa pièce Les nuées, le temps où les adolescents se gardaient de « se frotter d’huile plus bas que le nombril : aussi quel frais et tendre duvet sur leurs organes comme sur les coings » (cité par Maurice Sartre, Professeur d’histoire antique à l’université de Tours dans son article « Les amours grecques : le rite et le plaisir », L’histoire, n°221, mai 1998, pp. 30-36). Le corps masculin était magnifié. Les statues de dieux comme Apollon ou celles d’Hermès au carrefour des routes l’attestent. 

Les femmes, les grandes absentes de la vie publique et de l’art dans la Grèce antique (à part les statues de korai sur les frontons des temples), pouvaient connaître des expériences similaires à celles des hommes. En atteste la fameuse école pour jeunes filles issues de milieux aisés, la thiase, fondée par la poétesse Sapho sur l’île de Lesbos (d’où le nom lesbienne) au VIIème siècle av. J.-C et qu’on retrouve aussi en Grèce continentale, notamment à Sparte. Ces thiases consistaient en une période de vie communautaire où elles y apprenaient la musique, le chant et la danse. Mais pas que. D’après les poèmes de Sapho, on sait que la maîtresse pouvait entretenir une relation amoureuse avec ses élèves. Une union pouvait même être célébrée entre deux jeunes filles sur le modèle matrimonial, mais sans signification juridique. La relation amoureuse pouvant intervenir entre deux adolescentes à la différence des garçons (Eva Cantarella, « Les disciples de Saphos », L’histoire, n°221, mai 1998, pp. 34).
L'écrivain d'origine irlandaise Oscar Wilde, n'a jamais caché son homosexualité au point d'être condamné à deux ans de prison pour outrages aux bonnes mœurs et sodomie dans l'Angleterre victorienne. Source de l'image : Wikipédia.org.

Qualifiée d’abomination dans la Bible, l’homosexualité est condamnée par notre société de tradition judéo-chrétienne depuis le Moyen-âge. Le terme même d’homosexualité est forgé par un médecin autrichien, Karoly Maria Kertbeny en 1869. Mais il sert à désigner à l’époque une perversion. Il a fallu attendre la théorie du « troisième sexe » par le médecin allemand et militant homosexuel lui-même, Magnus Hirschfeld, fondateur du WhK (Wissenschaftlich humanitäres Komitee : comité scientifique humanitaire) à Berlin, pour que cette orientation sexuelle soit mieux connue et moins pourchassée. Ce qui n’empêcha pas le maintien du paragraphe 175 du code pénal allemand datant de 1872 et qui condamnait « les actes contre-natures » entre deux hommes. Cette loi a connu une longévité puisqu’elle n’a été abrogée qu’en 1994. Pour la question de l’homosexualité durant le IIIème Reich en Allemagne, je vous renvoie à l’excellent livre de Thomas Rozec, Le IIIème Reich et les homosexuels, 2011.

Quant à la France, elle a très tôt dépénalisé l’homosexualité puisque le code pénal de 1810 inspiré des droits de l’homme, décriminalisait cette pratique sexuelle.

Pour en revenir aux manifestations actuelles contre le mariage pour tous et le Printemps français, selon l’historien Grégoire Kaufmann, cette mouvance est l’héritière de l’Action française de l’écrivain royaliste Charles Maurras. Béatrice Bourges a elle-même subi la forte influence d’Ichtus, émanation de l’association maurassienne la Cité catholique (Grégoire Kaufmann, « Un climat politique qui rappelle la fin du XIXème siècle, non les années 1930 », Le Monde, 19 avril 2013).


Bref, le combat contre l’intolérance et l’obscurantisme risque de durer longtemps avec ces mouvances d’extrême-droite qui ne rassemblent pas que des “bisounours“ !

Marc Gidrol

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