Le tram mis en service il y a tout juste un an a été évoqué lors de ce conseil pour son premier bilan. |
Les élus communautaires de Brest
Métropole Océane (BMO) se sont réunis en conseil vendredi 21 juin, jour de la
fête de la musique aussi. Pourtant, la musique qu’on dit adoucir les mœurs, ne
les a pas réconciliés. Ceux-ci se sont étripés dans une escalade de petits bons
mots et d’attaques verbales, où l’on sentait déjà la campagne électorale des
prochaines élections municipales en 2014. Chacun y est allé de sa petite
musique. Selon que les élus de la majorité socialiste ou de l’opposition de
droite s’exprimaient, c’étaient des voix dissonantes sur les sujets brûlants d’actualité
pour l’agglomération que sont l’acte 3 de décentralisation, le TGV en Bretagne,
le premier bilan du tram ou encore la fermeture du chenil privé pour animaux à
Plouzané.
Statut convoité de métropole
L’acte 3 de décentralisation qui
stipule que pour être classé parmi les métropoles, une agglomération doit
compter au moins 400 000 habitants, ce qui inquiète tant les élus de Brest
Métropole Océane car cette loi exclut de fait la collectivité du groupe des grandes
métropoles de l’hexagone. Les sénateurs ont en effet rejeté l’amendement qui
permettait de ne pas retenir que ce seuil fatidique à BMO pour l’accession au
statut de métropole. En revanche, l’amendement a été retenu par les
associations du monde urbain « mais
malheureusement elles ne sont pas représentées au Sénat », déplore
François Cuillandre, maire de Brest et président de BMO. « Nous continuons notre travail de lobbying, en multipliant les
interventions tant au plan gouvernemental qu’au plan parlementaire »,
ajoute celui-ci..
Un TGV aussi pour Brest
Autre sujet de crispations lors
de ce conseil communautaire, le rapport de Mobilité 21, qui sera rendu au
gouvernement jeudi 27 juin et qui aborde la question de la ligne à grande
vitesse en Bretagne attendu avec impatience par tous les Bretons. Le collectif
« Investir en Finistère »,
composé des 3 Chambres de commerce et d’industrie du Finistère : celle de
Brest, de Quimper et de Morlaix et d’acteurs économiques incontournables de la
région, employant plus de 500 000 personnes militent pour que celle-ci
relie Brest et Quimper à moins de 3 heures de Paris. Projet vital pour
l’économie régionale selon cette association. Ce collectif a à ce sujet mis en
ligne une pétition à l’adresse
suivante : http://www.tgvouestbretagne.fr.
Mais malheureusement, d’après les premiers indices rendus publics par la presse
de vendredi 21 juin, ce projet ne serait plus prioritaire et ne se ferait pas
avant 2030. Première raison invoquée, la rigueur budgétaire pour les finances
publique, que la commission Mobilité 21 est chargée d’optimiser. Pourtant, ce
projet de LGV (ligne à grande vitesse) pour la Bretagne remonte à 1991,
en lien avec le TGV Ouest-Atlantique mis en place deux ans plus tôt. Un projet
d’amélioration de la ligne existante a bien été entériné pour 2017, le projet
n°27 inclus dans le SNIT ( Schéma National des Infrastructures de Transport).
Celui-ci prévoit notamment la suppression de 41 passages à niveau, mais malgré
cela les deux villes de la pointe bretonne resteront encore à plus de 3 heures
de Paris (3 h 30 précisément). D’après l’association « Investir en Finistère », seuls des
tronçons de lignes nouvelles permettraient de gagner les 30 minutes nécessaires
à un TGV digne de ce nom. Suivant les pistes retenus, le coût passe du simple
au double grosso modo, allant de 3,3 à 6,2 milliards d’euros, selon les études
exploratoires menées en 2009 par RFF (Réseau Ferré de France). Le développement
de la Bretagne
a un coût qu’il ne faut pas négliger, il en va de l’avenir. « C’est un dossier qui fait l'unanimité au
sein de la Bretagne »,
ajoute M. Cuillandre.
Ce dernier a taclé la droite sur
ce sujet par ailleurs : « En
2003, le projet de ligne à grande vitesse n’avait pas été retenu par le
gouvernement de l’époque (ndlr, de droite)». « En tout ce sont 70 projets de développement
des infrastructures de transports qui impactent les finances publiques pour 245
milliards d’€ » poursuit le président de la collectivité. François
Cuillandre a rappelé que d’autres projets sont à plus long terme encore que
celui du TGV breton, certains allant jusqu’à après 2030 et même d’autres à
après 2050 « autant dire aux
calendes grecques », juge le président de l’agglomération brestoise.
« Les contraintes qui pèsent sur
les finances publiques est un fait, mais il n’en demeure pas moins que les
objectifs doivent être tenus », tempête ce dernier. Fortuné Pellicano
« Agir pour Brest »,
désormais seul dans son groupe depuis la défection de Geneviève Henry au début
de l’année et qui était la dernière à lui être restée fidèle, relativise les préconisations
de ce rapport quelles qu’elles soient : « Le rapport ne veut pas dire décision » et de dénoncer « les propos électoralistes tenus dans
la presse par une candidate auto-proclamée (ndlr, Bernadette Malgorn) pour les prochaines municipales et qui
affirme que la voix de Brest n’a pas assez été entendue ».
Anne-Marie
Kernvern du groupe UDB fait remarquer que le législateur a méconnu un fait
majeur : « Le rôle national et
international de Brest dans le domaine maritime ». S’adressant au
premier magistrat de la ville et de l’agglomération : « Vous avez lié métropolisation et transport
et vous avez eu raison, nous sommes une métropole d’équilibre et elle a besoin
d’une ligne à grande vitesse, la
DATAR (Délégation a l'Aménagement du Territoire et à
l'Action Régionale) déjà depuis
longtemps avait compris qu’il fallait des métropoles d’équilibre avec toutes
les infrastructures adéquates », rappelle l’élue bretonnante. Pour
Stéphane Roudaut de l’Union de la droite et du centre (UDC), « ce débat trouve son sens dans
l’histoire ». Yann-Fanch Kernéis, élu municipal EELV (Europe Ecologie
Les Verts) à Plouzané et conseiller communautaire à BMO, proclame que « la priorité pour la Bretagne , c’est le TGV et
non l’aéroport de Notre-Dame des Landes ».
Lecture à deux voix du bilan des 1 a n du tram
Encore un autre sujet de
frictions au sein de l’assemblée communautaire, le bilan de la première année du
tram. Suivant les déclarations de l’opposition ou de la majorité de gauche, la
lecture du bilan du tram n’était pas la même.
Laurent Prunier, le jeune chef de
la droite brestoise (UDC) mais de plus en plus contesté dans son propre camp —
défections de Brigitte Hû et de Sophie Mével et décision de celles-ci de
constituer une liste pour les municipales de 2014, réticences du bureau
national de l’UMP à investir ce dernier comme candidat de Brest pour l’an
prochain et pour couronner le tout annonce de la candidature de Bernadette
Malgorn à la magistrature de la ville le jour même du conseil communautaire de
BMO — relativise les « bons
chiffres » avancés par la communauté urbaine quant à la fréquentation
du tram, par ailleurs, ajoute l’élu de droite, « seul moyen de transport dans de nombreux quartiers de la ville, car en
remplaçant les bus par le tram, on ne laisse pas le choix aux gens ».
La fréquentation du tram sur un an serait de 8,9 millions de voyageurs, « mais en réalité lorsque l’on rapporte ce
chiffre au nombre de jours dans l’année, on atteint moins de 25 000
voyageurs par jour, loin derrière les 45 000 passagers par jour que vous
escomptiez l’an passé », estime M. Prunier. « D’après vos chiffres, 98 % des usagers du
tram se disent satisfaits de ce nouveau mode de transport, mais même les
Républiques socialistes n’osent plus afficher de tels chiffres »,
ironise encore le patron de l’UDC. Ce à quoi Michel Joanny en charge de la
voirie et des transports au sein de BMO répond : « La fréquentation est conforme à nos
attentes, il y a 30 % d’usagers supplémentaires depuis un an, alors oui pour
répondre à votre question, je suis satisfait ». « D’autres villes ont démarré dans des
conditions beaucoup plus catastrophiques », relate M. Joanny. Laurent
Prunier a pointé du doigt « la gêne
occasionnée par les passages fréquents de bus dans certains quartiers alors que
dans d’autres, comme dans la rue Jean Moulin au centre-ville, il n’y a plus de
bus pour se rendre à l’hôpital des armées ». Et l’élu de droite fait
remarquer que « le tram n’a pas
boosté l’activité commerciale et économique de Brest, bien au contraire, entraînant
des fermetures de magasins dont on peut se rendre compte en allant dans le haut-Jaurès, complètement délabré ».
« Monsieur Prunier, les bras m’en
tombent aussi, vous n’y allez jamais, dans le haut-Jaurès, ou alors vous y
allez en regardant vos chaussures, ce que vous avez le droit de faire, mais à
la place du garage Citroën (anciennement à l’angle de la place de
Strasbourg et de la rue Jean-Jaurès), on
y a construit des bâtiments qui sont tous occupés à l’heure d’aujourd’hui »,
lui répond François Cuillandre. « On
ne conteste pas le tram, il est là, il est beau et en plus il manquerait plus
qu’il soit moche vu le prix qu’on l’a payé ! » lui rétorque Laurent
Prunier. « Mais quelles sont les
utilités des 2 autres lignes du tram si elles ne desservent pas des points
névralgiques ? », demande celui-ci.
Alain Masson du groupe socialiste, premier
vice-président de BMO en charge du développement durable et des grands projets
et président de la commission « Evaluation de l’agenda 21 et de la
politique de développement durable » corrige les affirmations de M. Prunier :
« M. Prunier fait état de 484
millions d’euros pour le coût du tram, pour l’instant les problèmes liés au
tram sont sur la rive droite et après il faudra se pencher sur le secteur
centre et les 14 km
du trajet du tram, c’est un volet qui n’est pas réglé si l’on y ajoute les
réclamations par rapport au pont de Recouvrance », précise ce dernier. « Sur le centre-ville, le nombre de places de
stationnement n’a pas diminué. Les commerçants ont bien compris que le
stationnement payant n’est pas préjudiciable à leurs commerces ». M.
Masson s’emporte alors dans une diatribe contre les commerçants : « C’est un peu facile de dire vous ne faites rien pour les commerçants, mais la
collectivité a déjà dépensé 443 millions d’€ pour l’attractivité du
centre-ville, des placettes ont été refaites, la moindre des choses, c’est que
les commerçants se bougent un peu ! ». Tollé alors dans le groupe de l’UDC
et notamment de la part de Catherine Huguen de ce groupe et membre aussi du
parti de Jean-Louis Borloo, l’UDI (Union de la Droite Indépendante )
qui riposte : « Issue d’une
longue lignée de commerçants moi-même, je me sens insultée. C’est parce que les
commerçants attirent au-delà de Brest que vous avez du monde dans votre tram,
alors un peu de respect pour les commerçants et les chefs d’entreprise qui eux
ont de vrais travaux », faisant même une faute de français due à sa
colère en n’accordant pas le mot travail au pluriel. « De vrais travaux !», corrige François
Cuillandre. M. Prunier réagit aussi aux propos osés d’Alain Masson : « Attaquer à tel point les commerçants, vous
ne les portez pas dans votre cœur. Je ne sais pas qui de nous est entré en
campagne électorale ».
Quid du refuge SPA du petit Minou ?
Le ténor de l’opposition
municipale, toujours Laurent Prunier, a aussi posé la question de l’avenir des
animaux qui étaient au refuge appartenant à la SPA et qui a été fermé le 14 juin dernier sur décision
du tribunal de grande instance (TGI) de Brest pour mauvaise gestion. Dès lors,
BMO a confié à la ville de Brest la compétence en matière de capture des
animaux errants le 13 juin dernier. « cette
situation inquiète les amis des animaux sur internet et bien au-delà de Brest quant
au sort réservé à ceux qui étaient dans ce refuge et ceux qui sont dans la partie fourrière de la ville qui dépend
de BMO désormais, d’autant plus que nous approchons des vacances, période
propice aux abandons ». Anne-Marie Cibaud assure qu’ « un arrêté de réquisition auprès du Préfet a
été pris pour la prise en charge des animaux au refuge jusqu’à la fin de l’été
et nous demandons au Préfet la continuation de l’arrêté. « En tout cas, les animaux qui sont au refuge
sont bien nourris et soignés, sachez que les agents de la ville sont sensibles
au bien-être des animaux », ajoute cette dernière.
Budget de la ville, toujours la même musique
Enfin, après toutes ces questions
diverses et variées qui ont occupé une bonne partie du conseil cette fois-ci,
les choses sérieuses ont pu être abordées, avec la présentation traditionnelle de
l’ordre du jour qui était le budget de BMO. Jean-Luc Polard, chargé de cette
question à chaque conseil a présenté ce budget avec son optimisme qu’on lui
connaît. BMO a investi pour 244 millions d’euros depuis l’année dernière. Les recettes
de fonctionnement ont augmenté de 4,8 %. Les taxes locales d’électricité ont
rapporté 3,1 millions d’€. Dans le même temps, les impôts des ménages ont augmenté
de 3,3 % à taux constant. Les dotations de l’Etat ont diminué pour se fixer à
48,9 millions d’€. Le coût du tram (154 millions d’euros) représente 9,4 % de l’annuité
de la dette de BMO. Les deux principaux soutiens financiers de BMO sont la Caisse des Dépôts et
consignations (CDC) et la
Banque européenne. BMO a dégagé 124 millions de recettes pour
ce premier semestre 2013. « Ainsi
le niveau d’auto-financement de BMO est resté bon », juge M. Polard. « Nous disposons de 8 années brut de
déremboursement, donc nous sommes dans le vert ». « Les comptes administratifs sont sains »,
a définitivement jugé celui-ci.
Plus que jamais, la prochaine
campagne électorale s’était déjà invitée au conseil de BMO de hier, entre joutes
verbales, propos optimistes de la majorité et prédictions alarmistes de l’opposition
sur fond de vrais problèmes économiques, urbains et animaliers de ce conseil.
Marc Gidrol
Commentaires
Enregistrer un commentaire