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Un conseil municipal à Brest à couteaux tirés

Le conseil municipal s'est réuni mercredi 5 octobre. Comme à chaque conseil municipal, Mme Bernadette Malgorn, la meneuse du groupe d’opposition municipale, RPB (Rassemblement Pour Brest, union de la droite et du centre brestois), part à l’attaque contre le maire, M. François Cuillandre et sa majorité socialiste. Elle évoque deux thématiques chères à la droite brestoise : la sécurité et la gestion calamiteuse des fêtes maritimes de Brest 2016 en lien avec l’article sulfureux paru dans l’hebdomadaire Marianne en juillet dernier — article relatant les déboires entre Brest Événements nautiques, organisme chargé des fêtes maritimes et son ancien directeur, M. François Arbellot, aujourd’hui en procès aux Prud’hommes pour licenciement abusif contre son ancien employeur, ce dernier lui reprochant d’avoir regardé d’un peu trop près le budget communication pour l’agence Rivacom. 

Sécurité et Brest 2016

Mme Malgorn rappelle que son groupe a émis des inquiétudes sur cette gestion de BEN : « Auriez-vous oublié nos interrogations exprimées dès le conseil municipal du 10 mars 2016 ou par nos courriers du 11 mars et du 18 juin 2016 ? » Puis elle énumère ses griefs : « Sur les errements de gestion et votre incapacité à présenter un budget prévisionnel digne de ce nom avant la manifestation maritime ? Sur les conditions dans lesquelles les instances du Conseil d’administration et de l’Assemblée générale de BEN ont été réunies ? Sur l’absence de réponses du Maire-Président de la Métropole et président de BEN, devant nos assemblées municipales et communautaires qui votent les subventions, c’est-à-dire l’argent des contribuables brestois et métropolitains ? Sur une gouvernante hasardeuse dont vous portez l’entier responsabilité en votre qualité de président de Brest Événements nautiques ? » 

Puis elle conclut : « Votre lettre du 12 juillet nous relatait votre version de vos démêlés avec le directeur que vous aviez recruté. Vous ne répondiez pas à nos questions », déplore l’élue combative. Elle décoche d’autres flèches contre le maire sur son manque de prise de conscience des problèmes de sécurité. « Ici, à Brest, vous ne pouvez plus faire mine de considérer la violence et la délinquance comme des phénomènes exceptionnels et isolés ». Elle égrène là encore la (trop) longue liste de faits divers qui ont fait la une de la presse locale cette année : « Le mois de mai avait été agité, avec une série de dégradations de bâtiments publics, puis un règlement de compte entre trafiquants de drogues, place Guérin. Au mois de juillet, une vingtaine de voitures étaient incendiées. Le 20 septembre le centre social de Pontanézen, déjà incendié fin 2014, est attaqué à la voiture bélier. Quatre voitures partaient en fumée. Le tram était une nouvelle fois caillassé. Le même jour un homme était blessé par balle dans le quartier et reste à ce jour dans un état préoccupant. Le 24 septembre, en plein jour, à Kérourien, un coup de feu est tiré en provenance d’une arme longue. Le 28 septembre, c’est dans le quartier de Recouvrante que deux motrices du tram ont été détériorées par des jets de projectiles. Deux bus ont aussi été l’objet de caillasses rue Anatole France au même moment. Et hier après-midi (la veille du conseil municipal, NDLR) encore un caillassage de véhicule de police ! » 

Elle renvoie François Cuillandre à ses responsabilités de maire, lui reprochant de ne pas tout fait pour protéger les Brestois(es), notamment par la vidéo-protection et la création d’une police municipale. C’est ce que son groupe prône, notamment dans leur petit journal, Sciage, dont elle a eu « l’occasion de vous en fournir personnellement un exemplaire à la foire Saint Michel ». Le maire n’a semble-t-il pas apprécié « la taquinerie que (nous) pensions innocente sur votre saut de puce en hélicoptère — François Cuillandre s’est rendu au festival des Vieilles charrues cet été en hélicoptère — (nous) a valu une lettre de plus de deux pages ». 

Réponse de l’intéressé : « Sur la question de la sécurité, jamais je n’ai nié cette question. À Nice, les caméras de vidéo-protection n’ont pas empêché le camion qui a servi à commettre l’attentat de passer onze fois sur la promenade des Anglais les jours précédents l’attentat ». 

M. Marc Sawicki, l’adjoint aux écoles, informe pour sa part que « nous (la municipalité, NDLR) sommes engagés sur la sécurisation des écoles, à la DASEN (Directeur académique des services de l’Éducation nationale). « Le budget de l’éducation reste notre premier budget », rappelle-t-il. 

François Cuillandre répond aussi sur le dossier de Brest Événements nautiques que « l’article de Marianne, c’est un tissu de contre-vérités. Il assène, en s’excusant au passage auprès des quelques journalistes du Télégramme et de Ouest-France présents au Conseil pour leur travail, que « ce n’est pas parce que c’est dans le journal que c’est vrai ! » « Il n’y a rien à cacher là dessus ». Il rappelle pour sa défense : « Nous avons été contrôlés par la chambre régionale des comptes et elle n’a rien trouvé à redire, si, juste une chose qu’elle a trouvée à redire c’est que le départ de l’ancien directeur qu’on avait négocié plus celui d’une autre personne avait été négocié de manière trop élevé, je vous dis les chiffres 15 000-16 000 €, là la demande porte sur 340 000 € ». 

Il reprend aussi l’historique de l’affaire : « M. Arbellot a été recruté en février 2015, le 1er septembre 2015 il est embauché définitivement, à cette date des marchés douteux sont déjà passés. Les choses se sont envenimées en janvier 2016. Il m’envoie alors un mail de démission et la confiance est rompue pour une photo. Je me retrouve avec un budget de 12 millions d’€ et un directeur qui menace de démissionner. Je ne l’ai pas fait de gaieté de coeur (NDLR, de licencier l’ancien directeur de BEN). 

Fortené Pellicano, se fait l’avocat de la majorité municipale de gauche : « Les fêtes maritimes de cette année sont une manifestation dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle a été belle, réussie et qu’elle ne coûtait pas cher. Elle a accueilli 520 000 spectateurs en tout ». Puis dans une longue anaphore telle une plaidoirie d’avocat il affirme : « Il faut dire stop aux propos outranciers, aux rumeurs. Il faut dire stop à ceux qui veulent pourrir les fêtes maritimes ». Menaçant directement l’opposition municipale il lance : « Si vos seules armes sont des propos mensongers, vous me rencontrerez toujours sur votre chemin pour vous dire stop ». 

M. Jean-Luc Polard, qualifié « de plus ancien parmi nous » par M. Cuillandre en personne !, défend aussi le bilan des fêtes maritimes : « Empiler des mensonges n’en font pas des vérités ». « Les éléments sont sur la table et personne n’a à les cacher », dit-il encore. Bruno Sifantus, monte à la charge lui aussi contre la municipalité : « Notre groupe (RPB) n’a pas porté de polémiques sur cette question jusqu’à présent. Les derniers chiffres remontent à mars 2016, donc les éléments du dossier ne sont pas complets et définitifs ». M. Polard lui répond que « la date du 16 mars correspond au changement de directeur de BEN ». L’adjoint au maire en profite au passage pour souligner « le rôle remarquable de Marc Mathieu (NDLR, le nouveau directeur de BEN), on doit lui reconnaître cela ». 

Querelle autour du sacro-saint dimanche

S’ensuivent toute une série de délibérations habituelles. Le budget primitif 2016 de la ville a été ajusté pour prendre en compte des recettes et dépenses nouvelles. Les dépenses représentent en tout 546 750 €. La crèche du quartier de l’Europe reçoit 580 000 € supplémentaires. Une subvention de 60 000 € est versée au cinéma d’Art et d’Essai Les Studios rue Jean-Jaurès pour des travaux. Parmi les recettes, il faut citer la somme de 348 347 € de subvention de la CAF au titre de la petite enfance ainsi que des ajustements de recettes fiscales : 225 621 €. 

La mairie a décidé d’accorder 3 dimanches pour l’ouverture des commerces, sur 12 dimanches pouvant être autorisés au maximum. Jean-Luc Polard rappelle que « la commune de Landivisiau à côté de nous a décidé d’accorder l’ouverture dominicale des commerces sur 12 dimanches ». À Brest, ces dimanches ouvrés seront répartis de la manière suivante : les deux dimanches précédant les fêtes de fin d’année et le dimanche 8 janvier au début des soldes d’hiver. Si tous les conseillers municipaux ne sont pas d’accord avec cette mesure, ils reconnaissent tous qu’il serait plus judicieux de délibérer de cette mesure au niveau métropolitain. Dans le même temps, alors que les commerces n’ont le droit d’ouvrir que 3 dimanches dans l’année, les élus municipaux ont voté une demande de subvention auprès de l’État pour l’ouverture de la médiathèque François Mitterrand des Capucins le dimanche. Émoi dans les rangs de l’opposition municipale. « Ce n’est pas la première fois que l’on voit certains d’entre nous faire le grand écart entre deux délibérations, la société change, les pratiques aussi », s’étonne Mme Claudine Péron (RPB) avant d’ironiser : « Il y a un besoin social dans l’ouverture de la médiathèque le dimanche ?! ». 

Gaëlle Abily, adjointe à la culture répond que « si on veut élargir le nombre de citoyens à fréquenter les lieux de culture, alors il faut les ouvrir les jours où les gens ne travaillent pas ». « La culture fait partie des premières nécessités », assène encore cette dernière. François Cuillandre rajoute avec une pointe de malice : « Vous pourrez aller à la grande médiathèque le dimanche en téléphérique ». Le téléphérique devant être opérationnel en octobre.

Lors de la délibération sur l’avenant financier pour 2016 entre la ville et la Cinémathèque de Bretagne pour un montant de 8 000 €, un homme du public dans la salle du conseil, se présentant comme un ancien salarié de cette structure, récemment en conflit avec la cinémathèque aux prud’hommes, a déployé une banderole où l’on pouvait y lire : « Souffrance au travail, harcèlement moral, merci aux finances de la cinémathèque régionale… ».

François Mitterrand contre Marguerite Yourcenar

La dernière délibération, « last but not least », a vu les passes d’armes les plus salées entre majorité et opposition et même au sein de la majorité, car ses membres n’étant pas tous d’accord sur la dénomination de la nouvelle médiathèque des Capucins. En effet, il a été décidé de dénommer la médiathèque du nom de l’ancien Président de la République « Médiathèque François Mitterrand - Les Capucins ». 

Le groupe RPB a tenté en vain de changer le nom pour celui d’une femme de lettres, écrivaine, essayiste, la première femme à avoir été élue à l’Académie française : Marguerite Yourcenar, par un amendement proposant le nom « Médiathèque Marguerite Yourcenar - Les Capucins ». « Francis Le Blé, Jean Guegueniat, Marcel Cerdan… Mais que d'hommes,  que d'hommes ! Mes chers collègues, mes chers collègues ! Oú sont les femmes ? », demande Claudine Péron pour le groupe RPB. 

Contre l’avis de l’opposition mais aussi de membres de la majorité comme Gaêlle Abily (Groupe des élus communistes et de progrès) et Anne-Marie Kervern (UDB) qui auraient préféré le nom d’une femme et celui de Marif Loussouarn (EELV) qui aurait préféré le nom de l’épouse de l’ancien chef de l’État, le nom controversé est tout de même adopté par le groupe socialiste auquel se joint M. Fortuné Pellicano. Elles se sont toutes les trois abstenues lors du vote. Mme Péron a rappelé aussi que « le nom François Mitterrand a déjà été donné à 55 médiathèques en France ». "C'est le fait du prince", dénonce-t-elle.

Au total, le conseil municipal de rentrée a été plus mouvementé et pour reprendre une terminologie maritime, plus salée, que les rentrées précédentes, sans doute l’approche des prochaines échéances électorales y étant pour quelque chose.


Marc Gidrol

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