"La République se lave de ses scandales", illustration du journal Le Petit Journal du 23 février 1893. Source : encyclopedie.bseditions.fr . |
L’actualité politique de ces
dernières semaines est marquée par l’affaire Cahuzac. Scandale
politico-financier dans lequel l’ex ministre délégué du budget est accusé
d’avoir caché à l’administration fiscale son vrai patrimoine. A savoir un
compte bancaire dans une banque helvétique, UBS, d’au moins 600 000 euros
(mais sans doute beaucoup plus à en croire un journaliste de la télévision
suisse romande qui parle de 15 millions d'€) qu’il aurait transféré en 2009
dans une filiale d’UBS à Singapour, qui comme chacun le sait est un paradis
fiscal. Mais cette affaire qui marque les esprits sur le vif ne doit pas faire
oublier que les affaires de corruption ont jalonné l’histoire de la république
française et même avant.
Déjà en 1892 avait éclaté une
affaire de corruption éclaboussant le gouvernement d’alors et avait même failli
emporter la jeune IIIème République : l’affaire de Panama. C’était une
affaire dans laquelle la
Compagnie du canal de Panama dirigée par Ferdinand de
Lesseps, était en proie à de graves difficultés de trésorerie dans les années
1880. Ce dernier avait demandé l’ouverture d’un emprunt à lots au gouvernement
pour se refaire une santé. Oui mais voilà, cette pratique était interdite par
la loi. Qu’à cela ne tienne, Ferdinand de Lesseps fit alors pression sur le
gouvernement pour qu’une loi allant dans ce sens fût votée. Il acheta des voix
de députés même. La loi autorisant l’emprunt fut votée en 1888. Mais sa société
fit faillite en 1892. Le scandale éclata et le gouvernement dut démissionner.
On estima que le vote de plusieurs députés fut acheté. La polémique à l’époque
parla d’une centaine de députés achetés par Ferdinand de Lesseps. De plus, sa
société avait consacré un tiers de l’argent fourni par le marché des actions et
des obligations à de la « publicité » sous des formes ouvertes ou honteuses. Seul
Charles Baïhaut, député de la
Haute-Saône , servit de fusible, il fut condamné à une peine
de prison car il avait avoué.
Autre scandale qui fit vaciller la IIIème République , celle de
l’affaire Stavisky, du nom d’un homme d’affaires véreux, connu du tout Paris,
au début des années 30. Des hommes politiques étaient suspectés d’être
complices – dont un proche du président du Conseil de l’époque Camille
Chautemps – avec lui dans une vaste affaire d’escroquerie avec la vente de faux
bons du Crédit municipal de Bayonne. Stavisky fut retrouvé mort – on ne sut
jamais vraiment si il s’était suicidé ou si on l’avait tué mais la thèse la
plus plausible est qu’il se soit suicidé – dans une villa de Chamonix en Savoie
le 9 janvier 1934. Le gouvernement de Camille Chautemps dut démissionner. À la
suite de ce scandale, les opposants au régime républicain, notamment les ligues
d’extrême droite mais aussi les communistes en profitèrent pour descendre dans
la rue lors de la manifestation du 6 février 1934 aux cris
de : « A bas les
voleurs ! ». L’équivalent du « Tous pourris ! » avancé par les extrêmes aujourd’hui, au Front
de gauche par Jean Luc Mélenchon et au Front National par Marine Le Pen. Sauf
que cette dernière n’est peut-être pas la meilleure placée pour donner des
leçons de morale au système UMPS comme elle et avant elle son père l’appelait,
puisque un de ses proches Philippe Péninque est celui la même qui a ouvert le
compte de Jérôme Cahuzac en Suisse en 1992. Elle se défend en disant qu’à
l’époque elle ne le connaissait pas car elle était une jeune étudiante en Fac
de droit, et de plus qu’ouvrir un compte bancaire pour le compte d’un autre
dans un autre pays, fut-il un paradis fiscal, n’a rien de répréhensible, ce qui
est vrai en soi. Ou encore le compte suisse de son père, Jean-Marie Le Pen dont
l’existence vient d’être révélée par le journal Médiapart. Toujours est-il pour revenir à l’affaire Stavisky, que
la manifestation du 6 février 1934 dégénéra devant le palais Bourbon, siège de
l’Assemblée nationale. On compta 16 morts et un millier de blessés parmi les
manifestants. Trois jours après, une contre manifestation dégénéra aussi à son
tour et fit 9 morts. Edouard Daladier dut démissionner à son tour et laisser la
place à Gaston Doumergue.
Les années 90 furent marquées par
l’affaire Urba qui entacha durablement le Parti socialiste (PS) et valut à son
Premier secrétaire d’alors Henri Emmanuelli plusieurs années d’inégibilité.
Enfin, les années 2000, c’est l’affaire « abracadantesque » touchant le Président Jacques Chirac à
propos du financement du RPR (Rassemblement pour la République ), parti dont
il fut le président de 1976 à 1994, et à propos d’emplois fictifs à la mairie
de Paris dont il fut le maire de 1977 à 1995. Affaire révélée par la cassette
Méry en 2000. Plus récemment il y a eu l’affaire Woerth, du nom de l’ex
ministre du Budget de Sarkozy ou l’affaire Béttencourt.
Les hommes politiques tentent
bien de moraliser la vie politique. En 1990, par la loi Rocard plafonnant le
financement des partis politiques par des personnes physiques et morales et par
la loi Balladur encore plus radicale en 1995 car elle interdisait tout
financement des partis politiques venant des entreprises. Enfin, les
déclarations du Président de la République ,
mercredi 10 avril 2013, pour la moralisation de la vie politique avec promesse
de création d’une haute autorité chargée de contrôler tout le patrimoine des
élus, ministres et parlementaires et leurs comptes bancaires même à l’étranger,
vont dans le bon sens. Mais il est fort à parier que cette déclaration risque
de rester à l’état de vœux pieux et est plus une tentative de sauvetage du
gouvernement pour circonscrire l’incendie provoquée par l’affaire Cahuzac.
Marc Gidrol
Commentaires
Enregistrer un commentaire