Entrée du camp de Birkenau (Auschwitz II). Source de l'image : Wikipédia.fr |
Hier,
mardi 27 janvier, avait lieu la commémoration de la libération du
plus grand camp de concentration et d'extermination du Troisième
Reich, celui d'Auschwitz-Birkenau en Pologne, voilà 70 ans, libéré
par l'Armée Rouge. Le monde dès lors avait connaissance de
l'horreur des « camps de la mort ». Pourtant, il
se trouve depuis des gens à nier ce fait historique.
Le
négationnisme ne s'est même jamais autant développé que depuis le
début des années 2000. Pourquoi malgré l'évidence des preuves de
ce génocide, se trouve-t-il encore des gens qui le nient ?
Pour
répondre à cette question, il convient tout d'abord de retracer la
genèse et l'histoire de ce courant de pensée particulier.
Le
négationnisme a germé dans la tête d'un homme, Paul Rassinier,
homme politique et ancien résistant d'abord proche des milieux de
gauche et du pacifisme puis de l'extrême-droite qui a été le
premier à remettre en cause dans les années cinquante l'existence
des chambres à gaz sur une si grande échelle1.
Cette
idée de nier l'ampleur de la destruction des Juifs d'Europe a été
réactivée à la fin des années soixante-dix. A cette époque on
appelait cette pensée, le révisionnisme. La presse se fit l'écho
de cette école. Louis Darquier de Pellepoix affirma dans L'Express
du 28 octobre 1978 : « À Auschwitz, on n'a gazé que
les poux ». Et même ce qui fit grand bruit, un
intellectuel qui était agrégé et Docteur ès Lettres, Robert
Faurisson, était partisan de ce courant de pensée. Il affirmait
devant Ivan Levaï, le 17 décembre 1980, sur Europe 1 : « Les
prétendues chambres à gaz hitlériennes et le prétendu génocide
des Juifs d'Europe forment un seul et même mensonge historique qui a
permis une gigantesque escroquerie politico-financière dont les
bénéficiaires sont l'État d'Israël et le sionisme
international et dont les principales victimes sont le peuple
allemand, mais non pas ses dirigeants, et le peuple palestinien tout
entier 2».
Cette
idée que les Juifs exagéreraient la persécution dont ils avaient
été victimes pendant la Seconde Guerre mondiale pour se poser en
victimes trouva un écho à l'extrême droite, mais aussi à
l'ultra-gauche, notamment par le biais de l'antisionisme et la
défense de la Palestine comme État ayant droit à sa souveraineté.
Ainsi le groupuscule de l'extrême gauche, la Vieille Taupe, dont
faisaient partie Serge Thion, Pierre Guillaume et Jean-Gabriel
Cohn-Bendit (le frère aîné de Daniel Cohn-Bendit, dit Dany le Vert
après avoir été Dany le Rouge) reprit cette thèse. Jean-Gabriel
Cohn-Bendit prit même la défense de Robert Faurisson dans les
médias à la fin des années 1970, devant la polémique suscité par
celui-ci. M. Jean-Gabriel Cohn-Bendit a reconnu par la suite s'être
fourvoyé et a regretté sa prise de position à la fin des années
1990.
Dans
les années 1980 le révisionnisme acquit une telle audience dans le
débat intellectuel français, que des historiens décidèrent de
renommer ce courant de pensée en lui préférant le terme de
négationnisme à celui de révisionnisme qui pouvait prêter à
confusion, car il pouvait s'appliquer à toute école de pensée. Le
négationnisme devint un délit puni par la loi, la loi Gayssot, à
partir du 14 juillet 1990.
Dans
les années 1990, il est resté marginal, mais a retrouvé depuis le
début des années 2000 une formidable tribune grâce à Internet.
L'enseignement de la Shoah (qui veut dire catastrophe en
hébreu) dans les collèges et lycées est remis en cause par des
élèves issus de l'immigration qui s'informent mal sur des sites
Internet parce qu'ils n'ont pas le recul intellectuel nécessaire
pour juger de la pertinence et de la véracité des informations
qu'ils y trouvent.
Après
les attentats ignobles à Charlie Hebdo et à l'Hyper Casher
de la Porte de Vincennes, des gens et notamment des jeunes d'origine
maghrébine ont là encore crié au complot des Juifs. Ils disaient
que le Mossad (service de renseignement israélien) serait derrière
ces attaques et même le gouvernement français ! Comble du
ridicule !
Le
nombre d'actes antisémites a connu une progression inquiétante en
2014. Mais la solution ne réside pas pour les Juifs français dans
l'exil vers Israël, parce qu'ils font la richesse de la France
aussi, comme l'ont proclamé François Hollande et les membres du
gouvernement français, et parce que l'arrivée de nouvelles
populations juives en Israël engendre la construction de colonies
rognant progressivement les territoires de l'autorité palestinienne.
Ce qui alimente à son tour les tensions, la violence au
Proche-Orient et ce qui a des répercussions jusqu'ici.
Les
jeunes qui se radicalisent dans l'Islam radical le font à partir
d'Internet et ils adoptent un discours antisémite par Internet
aussi. Des sites internet djihadistes et antisémites peuvent être
consultés sur la Toile en toute impunité. Le gouvernement
contre-attaque par des clips et une contre-propagande sur Internet.
Mais le combat n'est pas joué d'avance, car les jeunes qui veulent
partir faire le « Djihad » sont défiants vis-à-vis des
institutions, tellement ils sont en rupture avec la société.
Le
mal est fait. Le négationnisme est un courant de pensée qui existe.
Il est vrai que des gens peuvent douter qu'autant d'individus aient été
exterminés en raison de leur race, tellement cela paraît fou. Il y aura toujours des
sceptiques, malgré la présence de ces nombreux camps à travers
toute l'Europe, malgré les archives écrites, iconographiques et
vidéos, et malgré les témoignages des rescapés de ces camps, qui
s'interrogeront : « qu'est-ce qui prouve qu'autant de
personnes sont mortes dans ces camps ? » Il est vrai
que ce fait historique dépasse l'entendement. À tel point que lors
du procès de Nuremberg en 1945-46, un nouveau concept juridique a
été inventé pour qualifier ces actes horribles : celui de
crime contre l'humanité. Notion juridique qui sert aussi et encore
maintenant à qualifier d'autres génocides à travers le monde :
celui des Khmers rouges au Cambodge de 1975 à 1979, celui du Rwanda
en 1994, celui de Bosnie-Herzégovine et du Kosovo dans les années
1990, celui des Arméniens en Turquie en 1915.
Comme
le suggère l’historien Benjamin Stora, spécialiste de l'histoire
de l'Algérie, sur RMC, dans l'émission « Bourdin Direct »
mardi 27 janvier 2015 : « Il faut créer des
Universités populaires ouvertes à tous sans condition de diplômes
où les enseignants du supérieur s'impliquent pour dispenser des
cours d’histoire pour mieux faire connaître le récit
républicain ». Il souligne aussi que l'histoire de l'Islam
au sens large et pas seulement dans son sens religieux et l'histoire
de l'Afrique et du bassin méditerranéen ne sont pas assez
enseignées dans l'enseignement secondaire en France, ceci afin de
développer le « vivre ensemble ». Voilà déjà
des pistes intéressantes données par M. Stora pour remédier à
cette fracture au sein de la société française entre les enfants
de la 2ème ou 3ème génération des immigrés maghrébins et les
Français « pur souche », si je puis dire, même si cette
expression est fallacieuse car la France s'est nourrie de
l'immigration tout au long de son histoire et particulièrement
depuis la fin du XIXème siècle. Enseigner la Shoah est un
défi pour les historiens, les enseignants, les journalistes, qui
doivent prendre en compte les nouvelles sources d'information que
sont les nouvelles technologies si l'on veut combattre le
négationnisme. Le combat n'est jamais gagné d'avance contre le
négationnisme.
Marc Gidrol
1Voir
à ce sujet le livre de Florian Brayard, Comment l'idée vint à
M. Rassinier. Naissance du révisionnisme, Paris, Fayard, 1996.
2Cité
par Jacques Tarnero, « Adolf Hitler et les chics types »,
Les nouveaux Cahiers, printemps 1981 et repris par Florian
Brayard, op. cit., p. 19-22.
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