Comme au Conseil de Métropole de
vendredi dernier, le 30 janvier, le conseil municipal de Brest qui s’est tenu
jeudi 5 février, s’est ouvert sur le vote du budget primitif 2015 de la Ville.
Le budget de la ville pour 2015
D’entrée de jeu, le ton est monté
entre Mme Bernadette Malgorn, cheffe de file du groupe rassemblant la droite et
le centre brestois, Rassemblement Pour Brest (RPB), et le maire et président de
la Métropole,
M. François Cuillandre. En effet, avant même que Mme Abiven ne présente ce
budget qui faisait l’objet de la 1ère délibération, Mme Malgorn a
tenu à exprimer ses préoccupations. « Notre
ordre du jour prévoit l’examen du projet de budget de la ville de Brest pour
2015. Lors de la campagne des municipales, nous avions dénoncé le manque de
transparence de votre gestion du fait de la nébuleuse constituée par la ville
de Brest, la Métropole
(ex-CUB puis BMO) et les organes satellites. Nous l’avions dit. Votre stratégie
est de sauvegarder la vitrine “ville de Brest“, ce que les médias
regardent notamment quand ils font des classements pour présenter une vision rassurante
de votre gestion. Du coup vous devez faire porter par la Métropole et les
satellites des programmes coûteux et souvent inutiles ou prématurés. Cela pèse évidemment
sur la dette ». Elle est alors sèchement interrompue par M. le maire :
« Cette question concerne la Métropole, pas la Ville et la façon dont vous
le faites est impolie ».
Bernadette Malgorn s’emporte
alors : « Je viens d’être
traitée d’impolie ! Nous n’avons pas la même logique. Je n’interviens pas
sur le budget stricto sensu de la Ville de Brest. J’invite à
regarder derrière la vitrine ! Par votre opération “neutralisation“, vous
voulez faire croire que les Brestois vont moins payer. Vous proposez une baisse
de 0,2 et 1,3 des taux d’imposition sur les ménages. Mais pendant ce temps les
bases augmentent de 1,8 à 2,2. Dans le même temps, la fiscalité métropolitaine
sur les ménages augmente de 4,2 %. Parlons aussi des tarifs et redevances qui
augmentent presque tous plus que l’inflation. Et de la taxe d’enlèvement des
ordures qui s’envole de 9,5 % et les tarifs de stationnement 6,8 % ! Alors
pouvons-nous un instant croire au miracle de la transformation de la lourde
charge de la dette en baisse des impôts ? Hélas, non ! Tout Brestois
aurait bien aimé qu’à l’instar des noces de Cana dans la Bible, l’eau soit changée en
vin et l’amertume des dépenses excessives en soulagement de son portefeuille. Au
rendez-vous des réalités, ils constateront eux-mêmes qu’il n’en est rien ».
M. Cuillandre interloqué :
« Il faudra qu’on m’explique ce
qu’est le budget ?! » Et il reproche encore à Mme Malgorn de
vouloir intervenir sur le budget de la Métropole en conseil municipal. « Ce n’est pas le lieu ici, vous étiez
absente du Conseil de Métropole vendredi dernier ». Mme Malgorn,
visiblement vexée monte le ton :
« Vous avez dit quatre fois, que
j’étais absente lors du dernier Conseil de Métropole, j’aimerais bien savoir si
vous le faites remarquer pour d’autres, par exemple il manque un conseiller
municipal ici (je ne vois pas de qui elle voulait parler ?), et personne ne va le crier sur les
toits ! » François Cuillandre lui répond : « Je ne vous reproche pas votre absence mais
le fait que vous abordiez cette question touchant la Métropole ici au sein du
Conseil municipal, mais vous avez le droit d’avoir d’autres occupations, vous
êtes membre de la Cour
des Comptes ». Mme Malgorn vocifère alors : « Sachez que je suis en disponibilité pour la Cour des Comptes ». Bernadette
Abiven, 1ère adjointe au maire de Brest, en charge des finances,
prend alors la parole pour présenter cette 1ère délibération et
agacé manifestement par l’intervention intempestive de Mme Malgorn, elle
lâche avec ironie : « Non, je
ne vais pas parler du budget de la
Ville ». Puis se reprenant : « Ce budget a été construit avec rigueur et
responsabilité ».
Elle a présenté les chiffres
phares de celui-ci. La Ville
dépense en tout cette année 166 millions d’€. 129 millions d’€ sont alloués aux
frais de fonctionnement qui ont augmenté par rapport à 2014 (dans le détail,
46,2 millions d’€ pour la politique éducative, l’enfance, la petite enfance et
la jeunesse ;10,3 millions d’euros pour l’accueil des citoyens pour les
démarches administratives et l’entretien des cimetières ; 5,4 millions d’€
pour l’action sociale et solidaire ; 20,4 millions d’€ pour les sports,
l’action associative et l’action culturelle de la Ville ; 18,2 millions
d’€ pour les services de compensation à la Métropole).
Les investissements de la Ville représentent 20,6
millions d’€ (la médiathèque du plateau des Capucins dont la fin des travaux
est prévue pour décembre 2015 et l’ouverture au public au 1er
semestre 2016 en est le principal). Le montant total de la médiathèque des
Capucins, destinée à remplacer les bibliothèques d’Étude et Neptune du centre-ville
et à contenir plus de 330 000 documents (livres, journaux, magazines, CD,
DVD, Blu-ray, documents numériques) est estimé à 23 millions d’€ hors taxes.
L’annuité de la dette est de 20,4
millions d’euros. Les charges à caractère générale s’élèvent à 15,7 millions
d’€ ; les subventions d’organismes publics à 19 millions d’euros ;
les recettes réelles de fonctionnement génèrent 142 millions d’€ soit en baisse
par rapport à l’an dernier. Le niveau de participation de la CAF (Caisse d’allocations
familiales) se monte à 7 millions d’€ dans ce budget.
Ce qui fait dire à Mme
Abiven : « C’est une gestion
prudent et rigoureuse de nos dépenses de fonctionnement nous permettant de bien
gérer la Ville ! ».
Le stock de la dette a diminué pour se situer à 47, 5 millions d’€ contre 50
millions d’€ en 2014. « Nous poursuivons
l’effort d’investissement, notre capacité d’épargne est épargnée (c’est le
cas de le dire ! Mais est-ce si vrai ?) et le désendettement se poursuit », s’enorgueillit Mme Abiven.
Monsieur Bruno Sifantus,
conseiller municipal de l’équipe de Mme Malgorn, Rassemblement Pour Brest
(RPB), relève les failles de ce budget. « Le projet de budget de la
Ville est sans surprise aussi inquiétant que celui de la Métropole »,
juge M. Sifantus. Il note un « effet
de cisaillement entre les recettes qui diminuent et des charges de
fonctionnement mal maîtrisées amplifié par une politique d’investissement qui
délaisse l’entretien du patrimoine au bénéfice de grands projets comme la Médiathèque des
Capucins ».
M. Sifantus alarme aussi sur
« la population de la Ville (qui) se réduit, mais plus au bénéfice de la Métropole et la
consommation des ménages (qui) diminue ».
« Le nombre croissant de logements
vacants et la chute des prix de l’immobilier qui impacte le patrimoine de
chacun des Brestois, n’empêchent cependant pas de voir se développer de manière
débridée de nouvelles zones d’habitat. Dans le même temps, le nombre d’emplois
diminue aussi inexorablement, de -125 en 2014 (selon les chiffres de la CFE/CCI de Brest). Dans une
ville où l’emploi public est déterminant, où le commerce, l’immobilier et
l’industrie sont directement affectés par la crise, ces pertes d’emploi
salarié, notamment dans l’industrie, sont des indicateurs inquiétants »,
relève M. Sifantus.
Il voit dans la présentation du
budget de la ville, un tour de passe-passe qui fait peser sur la Métropole « tout le poids de la baisse de la DGF et donc de la baisse du
niveau d’investissement global ». « Les difficultés sont moins visibles quand elles sont portées par un
niveau administratif plus large ». « Tout cela donne le sentiment que chacun voit midi à sa porte, et laisse
la Métropole
avec ses dettes et ses difficultés économiques. Elles y trouvent bien sûr moins
d’écho médiatique auprès de la population citadine », estime l’élu de
la droite et du centre brestois.
Il conclut son intervention en préconisant
les recommandations du groupe RPB : « La priorité doit être donnée à l’investissement dit “courant“ (+0,6 %),
investissement qui est indispensable à la conservation du patrimoine. Il s’agit
de stopper la paupérisation de fait du cœur de la ville. Sans revenir dans le
débat sur les compétences, le quartier des Halles Saint Louis doit devenir le
drapeau de cette nouvelle politique, et aussi d’un soutien affirmé au commerce
et à l’attractivité de la Ville. Comment
espérer rendre la ville attractive en délaissant le centre de la ville
elle-même. Le budget doit aussi
exprimer fortement les attentes de la population en matière de sécurité ».
Jacqueline Héré du groupe des
élus communistes et de progrès (ÉCP) se félicite de l’état des « finances de la ville (qui) sont saines », tout en relevant
que « ce budget est dicté par
l’austérité ». « Nous
saluons les choix faits par d’autres pays, la Grèce en particulier le 25 janvier dernier »,
ajoute l’élue communiste. Elle annonce que son groupe vote ce budget.
Patrick Appéré du groupe BNC (Brest
Nouvelles Citoyennetés), l’autre groupe de la gauche radicale au sein du
conseil municipal, salue aussi la victoire de Syriza et de son chef de file
charismatique, Alexis Tsipras, en Grèce : « Prenons exemple sur le gouvernement grec ». « La diminution des dotations de l’État à
plus de2 millions d’€, c’est inadmissible pour nous ». « Il est injuste et contre-productif de faire
porter sur les collectivités locales le poids de la dette », critique
l’élu gauchiste. « Nous voterons ce
budget mais en restant vigilants », prévient encore M. Appéré.
Michel Calonnec, du groupe RPB
ironise sur ce budget : « C’est
un budget vraiment magique ! Il baisse tout le temps. Il n’y a qu’une
chose qui augmente, c’est le montant du chèque payé par les Brestois ! C’est
digne d’un numéro de magicien de Las Vegas ! » Bernadette Abiven
réagit à ces propos : « Un peu
de sérieux, le sujet est suffisamment grave comme cela. 29 millions d’€
consacrés aux services des habitants, ce n’est pas rien et RPB vote
contre ! C’est un budget permettant aux agents de la Ville de rendre un bon
service aux habitants au quotidien et RPP vote contre ! » « Cela dit, soyons vigilants parce que nous
ne savons pas de quoi sera fait l’avenir », affirme l’élue dans un
moment de lucidité.
Bernadette Malgorn,
s’explique : « L’intérêt des
Brestois ne doit pas disparaître du budget de la Métropole. Pour
celui de la Ville,
nous votons pour certaines dépenses quand celles-ci nous paraissent justifiées
et nous votons contre pour d’autres, par exemple pour la Médiathèque des
Capucins ». « L’anaphore
est à la mode en ce moment », remarque Mme Malgorn faisant allusion à
la litanie des “le groupe RPB vote
contre“ de Mme Abiven, « Nous
montrons que nous sommes une opposition constructive, cohérente et responsable »,
lâche Mme Malgorn.
Le maire, M. François Cuillandre,
y va de son commentaire aussi : « L’équipe municipale majoritaire tient ses engagements dans un contexte difficile
marqué par la baisse des Dotations de l’État et notamment la baisse de la Dotation aux
collectivités locales ». Et il rappelle « la dette de l’État (qui) a
doublé entre 2007 et 2011 passant à 1 700 milliards d’€ ».
« Mais je ne sais plus qui était à
la tête de l’État à cette époque là ? », interroge-t-il ironiquement
en faisant de la politique politicienne. Il rappelle aussi que la décision de
la diminution des Dotations de l’État aux collectivités locales avait été prise
déjà sous l’ancienne majorité : « L’engagement de l’économie de 11 milliards d’€ versés aux collectivités
locales avait été pris en 2011 par M. François Baroin, ministre des Finances du
gouvernement Fillon à l’époque avant d’être président de l’Association des
Maires de France (AMF) ». Puis il justifie ce budget : « On essaye de respecter les recommandations
de la Cour des
Comptes ».
La délibération n°2 portait sur
le vote du taux de fiscalité 2015. Celui-ci est porté à 20,57 %. Christine
Margogne, de l’autre groupe de la droite brestoise, Brest Alternative (BA),
précise que « (nous) voterons pour
cette diminution du taux de fiscalité tout en restant vigilants sur l’imposition
des ménages ».
La délibération n°3 abordait la
gestion active de la dette avec l’autorisation de recourir aux instruments de
couverture de la dette. Christine Margogne prend à nouveau la parole :
« Le groupe BA prend acte de la
volonté de maintenir une saine gestion de la ville, mais nous nous abstiendrons
sur cette délibération ». Ce qu’à fait aussi le groupe RPB.
Le théâtre, c’est aussi la comédie
La municipalité a décidé aussi
d’allouer une nouvelle subvention de 604 000 € à la « Maison du Théâtre »,
dans le cadre de la convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens pour la
période 2015-2018 avec la Ville,
le Département du Finistère, la Région
Bretagne. Ce qui fait bondir une élue du groupe de Mme
Malgorn (RPB), Mme Philippine d’Avout : « La culture est une composante essentielle de la vie municipale. Le
théâtre y a toute sa place dans l’expression artistique de nos concitoyens ou
dans l’offre culturelle proposée aux Brestois. Mais aujourd’hui l’attente des
Brestois c’est avant tout l’emploi, la formation des jeunes, l’insertion et
l’aide à la personne et aux familles ».
Elle rappelle l’état des finances
de la ville. « En mettant cela en
perspective, les 604 000€ que la ville de Brest souhaite attribuer à la Maison du théâtre doit
interpeller tout contribuable averti ». « Ne sommes nous pas en période de restriction budgétaire ? »
interroge-t-elle. « Ne serait-il
pas convenable de ramener cette subvention à des proportions plus acceptables pour
nos concitoyens en difficultés ?
». « La culture ne doit-elle pas
elle aussi participer à l’effort de maîtrise des finances publiques ? »
interroge encore la jeune élue RPB.
« Certes, les buts des associations sont souvent louables : ici
aider au développement du théâtre, initier et sensibiliser les publics,
soutenir les initiatives artistiques, etc. mais un célèbre adage nous dit que
la fin ne justifie pas toujours les moyens … ». Puis elle prévient que
compte tenu que « cette subvention
va au-delà des critères d’intervention qu’il nous semble convenable d’appliquer
au regard de l’impact et de l’audience des opérations proposées (et que) ces moyens financiers nous paraissent ici tout-à-fait
disproportionnés, c’est la raison pour laquelle nous voterons contre cette
délibération ».
La future chaufferie bois du Spernot
Le conseil municipal a voté aussi
pour le projet prévoyant une chaufferie bois au Spernot, dans le cadre des
objectifs du plan gouvernemental de réduction des gaz à effet de serre et de la
protection de l’environnement. Là encore, un autre élu du groupe RPB réagit, M.
Rémi Hervé. « Comme nous l’avons
dit lors du dernier conseil communautaire du 21 novembre dernier, où était
présentée une délibération relative au chauffage urbain, à nouveau aujourd’hui
nous souhaitons exprimer nos doutes sur l’opportunité des projets d’extension
du réseau et de chaufferie bois ».
Il soulève plusieurs
interrogations. Il s’interroge tout d’abord « sur le caractère renouvelable de la ressource biomasse locale ».
Il se demande notamment si l’approvisionnement en bois ne devra pas se faire
« à l’extérieur de la région, au
niveau national, voire à l’étranger ». « Car si devions un jour nous approvisionner en bois de chauffage dans
des pays aussi lointain que ceux d’où nous importons le pétrole et le gaz, le
caractère renouvelable et écologique de la chaleur produite par le chaufferie
du Spernot en pâtirait assurément », prévient-il.
M. Hervé s’interroge aussi sur la
« supposée compétitivité du
chauffage urbain par rapport aux autres modes de chauffage, au gaz notamment ».
« Si le chauffage urbain est
compétitif aujourd’hui, le sera-t-il toujours demain ? Le tri des déchets
par nos concitoyens s’améliorant, la quantité de déchets résiduels servant de
combustible à l’incinérateur du Spernot devrait progressivement diminuer ».
« Si l’on en croit vos études,
c’est 50 % du volume de ces déchets qui à long terme ne finirait plus dans les
fours de l’incinérateur », note l’élu bien informé visiblement.
« La part de la chaufferie bois
dans la production de chaleur devrait donc augmenter pour compenser ce déficit ».
« Or, nous savons qu’il sera plus
coûteux de produire la chaleur avec la chaufferie bois qu’avec l’incinérateur »,
prévient M. Rémi Hervé.
Compte tenu aussi du « coût des investissements liés à l’extension
du réseau et à la construction de la chaufferie (qui) devront être absorbés », le groupe RPB s’abstient sur ce vote.
« Ces surcharges se reporteront
probablement sur le tarif payé par l’usager, à moins qu’une fois encore l’on ne
sollicite le contribuable », accuse M. Hervé. « Nous sommes disposés à approuver tous
projets en faveur du développement durable et de la protection de l’environnement
à condition que ceux-ci aient fait l’objet d’une analyse globale sur le long
terme », poursuit l’élu de droite. « Il faut éviter de lancer la collectivité dans la réalisation de projets
hasardeux dont les effets pourraient finalement se révéler sensiblement
différents de ceux escomptés initialement », conclut-il.
C’est un conseil municipal marqué
là aussi comme lors du dernier conseil de Métropole (voir mon dernier post sur
ce blog) par l’austérité budgétaire et au cours duquel, nous avons eu le droit
à un crêpage de chignon entre Mme Malgorn et le maire, M. Cuillandre, mais cela
nous commençons à en avoir l’habitude depuis mars 2014. Au moins, l’opposition
de droite existe à Brest depuis l’an dernier !
Marc Gidrol
Commentaires
Enregistrer un commentaire