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Le budget 2015 de BMO entre contes et comptes



Le conseil de Métropole de Brest Métropole Océane (BMO), réuni ce vendredi 12 décembre 2014, a été l’occasion de débats houleux à propos de la crise budgétaire que traverse notre collectivité sur fond de réduction de dotations de l’État aux collectivités locales et d’endettement. D’après un nouveau rapport, la métropole brestoise qui était jusqu’à présent dans la zone verte vient de passer dans celle orange, signe d’une dégradation manifeste de sa situation financière. La crise économique s’abat sur la métropole brestoise, comme sur d’autres collectivités en France. La situation financière est tendue.

Le conseil communautaire a adopté le débat d’orientation budgétaire pour l’année 2015. C’est un budget de transition avant un nouveau plan mandat dans le courant de l’année 2015. Berndatte Abiven, 1ère adjointe au maire de Brest et 3ème vice-présidente de BMO en charge des finances, qui présentait cette 1ère délibération souligne qu’il s’agit d’un budget qui assure « un bon niveau de qualité des services publics et un bon niveau d’investissement ». « Ce débat d’orientation budgétaire témoigne de choix judicieux et courageux au cours des deux dernières décennies », insiste Mme Abiven. « Nous maintenons notre effort d’investissements en excluant le recours à des prêts toxiques », poursuit-elle. Les recettes baissent de plus de 5 millions d’euros. Les impôts sont sur un ralentissement, en particulier la prime de versement transport pour 2015. Le but de la Métropole est de conserver un niveau d’autofinancement à hauteur de 30 % des investissements. L’agglomération mise aussi sur un plafonnement des dépenses de fonctionnement de 1 % et de 0,8 % pour les autres dépenses. Le taux d’inflation des collectivités locales ne doit pas dépasser 1,8 % pour l’année 2015.

« Nous maintenons l’investissement à 39 millions d’€ tout en limitant le recours à l’emprunt et donc en limitant l’endettement. Ce budget comporte entre autres 1,8 millions d’€ pour Brest Arena dont 1,3 millions pour les sols et les travaux à Arena ; 2,9 millions d’euros pour le plateau des Capucins ; 1,8 millions d’€ pour les nouveaux quartiers d’habitats et 1,6 millions pour les autres investissements ». Mme Abiven résume cette orientation budgétaire par « un esprit de responsabilité et de choix assumé dans un contexte de rigueur budgétaire ». La Métropole a investi 28 milliards d’€ sur la mandature 2008-2014.

Éric Guellec, conseiller communautaire communiste déplore qu’alors que « 70 % des investissements publics sont réalisés par les collectivités locales, celle de Brest voit ses dépenses d’équipements diminuer de l’ordre de 35 à 40 millions d’euros ». « Notre collectivité est dans le début de la zone orange. Nous ne devons pas oublier les ménages, signe inquiétant de détérioration de la situation financière des ménages avec le recours à l’endettement. Pour nous, élus communistes, nous restons déterminés à faire de notre engagement une force utile au service de notre métropole ».

Bernadette Malgorn, au nom de son groupe, le Rassemblement Pour Brest (RPB), souligne que « Les orientations budgétaires pour 2015 confirment la gravité d’une situation “sous tension“, selon vos propres termes, et conforme à ce que nous avons dénoncé. Les principales sources d’inquiétudes qui émergent concernent la fiscalité, notamment celle des ménages, bien supérieure à l’inflation réelle, et la baisse rapide des capacités de remboursement d’une dette que votre document (ndlr, le rapport) lui-même situe en zone orange, et donc des capacités d’investissement. L’effet de ciseaux entre des recettes qui vont diminuer inexorablement, et des charges que vous ne parvenez pas à maîtriser amplifie les risques d’une aggravation dans les trois années qui viennent. Le contexte général, que vous qualifiez “d’inédit“, était cependant prévisible ! Dès le début de la crise économique en 2008, il fallait en tirer les conséquences ! » (Sous-entendu, M. François Cuillandre n’aurait pas dû engager de lourds investissements comme celui du tram, et surtout ceux à venir du plateau des Capucins et du téléphérique). « Ce qui est inédit, c’est la baisse des dotations de l’État. Mme Malgorn déplore également qu’ « à un moment où les prélèvements publics atteignent des records, supérieure à 45 % du PIB, la fiscalité locale continue à augmenter, notamment celle des ménages, sans parler de la charge du versement transports pour les entreprises ». « La baisse constatée de la population dans BMO et les exemptions font en outre porter cet effort sur un nombre toujours plus réduit de personnes », déplore-t-elle.

Dans un contexte de crise, l’État demande de gros sacrifices aux collectivités locales jusqu’alors épargnés par les rigueurs budgétaires. François Cuillandre, président de la Métropole et maire de Brest, dénonce : « On tape sur les budgets des collectivités locales après avoir tapé sur celui de la Défense ». Même si M. Cuillandre est du même bord politique que le gouvernement actuel, il déplore cet état de fait et dénonce la surenchère d’austérité faite par des responsables de l’opposition nationale : « Je tiens à disposition des personnes intéressées dans mon bureau des déclarations des ténors de l’UMP dans la presse, qui stipulent qu’on ne va pas assez loin dans la rigueur budgétaire ». La baisse des dotations de l’État va entraîner plus de 28 milliards d’€ de pertes cumulées jusqu’en 2017. Cette baisse est de l’ordre de 7,5 % du budget principal de BMO, soit une baisse supérieure à 17 milliards d’€ pour l’ensemble des dotations sur la même période, avec déjà une perte de près de 10 milliards dès cette année.

Il a aussi été beaucoup question lors de ce conseil de la CVAE (Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises), impôt local portant sur les entreprises, crée par la loi de finance de 2010. Elle est un élément de la contribution économique territoriale (CET) avec la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE), qui a remplacé la taxe professionnelle. M. Cuillandre rappelle que « les élus locaux l’avaient dénoncé à l’époque, parce qu’elle est liée d’une part à l’activité des entreprises et que d’autre part elle est à un taux qu’on ne maîtrise pas car elle est fixée par l’État ». La conjoncture actuelle explique le repli du produit de la CVAE de 2,5 %. L’effondrement brutal de la capacité d’épargne de BMO est estimé à 40 % en un an.

Bernadette Malgorn ajoute à propos de la dette brestoise : « Evaluée à 22 millions d’euros en 2015, la capacité d’épargne de BMO est face à des besoins de remboursement de la dette qui resteront stables à 35 millions d’€ (…) En lui fixant un nouveau plafond, vous reconnaissez que le stock de la dette va rester stable au-delà de 400 millions d’€, voire dépasser le nouveau plafond compte tenu de la baisse des dotations ! Ce qui veut dire plus facilement que la dette ne baissera pas ! Si on s’intéresse au nombre d’années pour rembourser — ce que vous appelez la “durée de vie résiduelle“ de la dette, c’est plus de 12 années qui seront nécessaires, comme nous l’avons souligné lors du Conseil de septembre ». Dès lors des choix douloureux vont devoir s’opérer dans les projets urbanistiques. Projets urbanistiques qui sont réalisés, soit dit en passant, sans même consulter les Brestois(es). « Les analystes estiment pour le mandat actuel des collectivités similaires, une baisse à hauteur du tiers du volume réalisé lors du mandat précédent : plus que jamais choisir un investissement sera éliminer les autres », estime Mme Malgorn. Celle-ci ajoute : « Et cette analyse ne porte que sur le budget de BMO sans inclure les satellites dans une vision consolidée comme nous l’avons souhaité et qui consiste à déporter sur Brest’Aim ou autres une partie de la dette de BMO ». Après le diagnostic fait sur le malade BMO, au nom de son groupe elle préconise trois recommandations :
  • Réfléchir à une politique des ressources humaines intégrant les nombreux départs en retraite de 2018.
  • Baisser les taux des impôts locaux pour que la pression fiscale reste effectivement stable.
  • Décider d’un moratoire sur les gros investissements “de prestige“, comme le téléphérique, au bénéfice des investissements de proximité, ou à fort potentiel économique.
« Il n’est pas encore trop tard ! » prévient-elle.

Roselyne Filipe, vice-présidente de BMO, en charge de la gestion durable des déchets, dénonce pour sa part « un fossé (qui) se creuse inéluctablement entre les plus aisés et les plus pauvres dans la population ». « Globalement les revenus augmentent mais de plus en plus de personnes connaissent la misère », énonce-t-elle. « Le gouvernement nous impose 50 milliards d’€ d’efforts mais c’est le modèle libéral qui bloque la redistribution des richesses », argument-elle. Elle dénonce aussi « l’illisibilité du régime fiscal actuel ». « Pour la 1ère fois les ressources sont en diminution, cela aura des conséquences sur l’emploi », prévient Mme Filipe. « Il nous faudra faire preuve d’imagination », conclut-elle.

Stéphane Roudaut, le jeune maire de Gouesnou et le 20ème vice-président de BMO, chargé des grands équipements, tire lui aussi la sonnette d’alarme : « L’effort demandé est inatteignable et insoutenable, aujourd’hui on nous demande 2 milliards d’€ sur la période 2015 à 2017, ce qui sous entend l’abandon de pans entiers de services publics locaux et/ou une hausse de la fiscalité, avec une baisse des charges de personnels, une baisse de dépenses d’équipements de 38 %. C’est injuste que l’effort ne soit porté que par les collectivités locales et les élus locaux. Que nous reste-t-il ? » Demande-t-il dans une interrogation désespérée. « On nous disait que le pire est derrière nous, moi qui suis plutôt de tendance optimiste, j’ai tendance à penser que le pire est devant nous. Le pire pour nous ce seront les années 2015-2016-2017 », prophétise-t-il.

Bernard Kerleguer, du groupe Pays de Brest solidaire, y va aussi de sa petite musique sur le budget de la collectivité : « Certains objectifs ne sont pas suivis d’effets. Pourquoi un tel décalage de 2,8 millions d’€. Nous craignons que la collectivité ne doive augmenter les impôts des ménages. BMO doit faire de même que Guipavas et Le Relecq-Kerhuon qui ont déjà commencé à réduire leurs charges. La baisse prévisionnelle de la CVAE est de 30 % ».

Face à toutes ces inquiétudes, Bernadette Abiven répond : « Arrêtons de tout voir en noir ! Quand j’entends les propos de Mme Malgorn, je suis dubitative. Il y a dans ses propos beaucoup d’incantations mais peu de propositions », dénigre-t-elle. Ce à quoi Mme Bernadette Malgorn réplique que « l’essentiel de (mes) propos, ce sont des notes de synthèse, ce ne sont pas des incantations, on peut d’ailleurs se demander si c’est complètement laïque d’employer le terme d’incantations » (rire dans la salle). « Il y a une question de proportion quand 85 % des économies faites par l’État le sont sur la baisse des dotations aux collectivités locales, qui est une baisse nette » ajoute Mme Malgorn.

Mme Bernadette Abiven reprend son réquisitoire contre l’ancien gouvernement et son analyse : « Le contexte national s’impose à nous tous. Si d’aucuns avait su au bon moment prendre les bonnes décisions on n’en serait pas là (suivez mon regard, c’est une pique adressée à la droite qui était au pouvoir au début de la crise en 2008, sous le mandat de Nicolas Sarkozy). On laisse des perspectives aux citoyens même dans un contexte compliqué. Pour ce qui est du CVAE, il y a des entreprises qui font de l’optimisation fiscale, mais peut-on le leur reprocher ? Le CVAE est un impôt compliqué. Que 2015 nous permette de nous projeter sur la durée du mandat », émet-elle comme vœu.

Le président de la Métropole, M. François Cuillandre conclut le débat autour de cette délibération en reprenant les propos d’Edgar Faure, président du Conseil sous la IVème République : « Edgar Faure disait à propos de discussions budgétaires “litanie, tétanie, léthargie“. L’endettement public, qu’on le veuille ou pas, est une réalité. Est-ce qu’on va laisser aux générations suivantes le poids de la dette ? » Interroge-t-il. M. Cuillandre, qui est par ailleurs professeur de droit se veut aussi médecin lorsqu’il assène ce jugement : « L’endettement, c’est comme le cholestérol, il y a un bon et un mauvais ». Le baron local rappelle aussi : « Opposer les dépenses d’investissement et ceux de fonctionnement, ça a un intérêt limité ». Puis pour répondre aux propos de Mme Malgorn, il demande : « C’est quoi un investissement de prestige ? Vous me dire le téléphérique, le téléphérique ! En réalité, c’est un investissement de proximité, financé essentiellement par des ressources affectées ». Bernadette Malgorn lui répond d’ailleurs qu’elle le « rejoint quand (vous) dites qu’il ne faut pas confondre les dépenses d’investissements avec ceux de fonctionnement ». Christine Margogne, du groupe Brest Alternative, fait remarquer que « l’augmentation de 0,9 % pour la valeur locative est à mettre en relation avec la situation de l’immobilier à Brest où les loyers restent bas, ce qui ne donne pas une image dynamique de la ville », selon elle.

La délibération n°2 portait sur l’approbation de la décision modificative n°3 2014, procédant à l’ajustement du budget primitif 2014 qui est en tout de 3,443 millions d’€. Mme Malgorn, prévient là aussi que son groupe ne votera pas ce budget qu’il n’approuve pas.

La métropole brestoise a aussi décidé d’autoriser le Président de BMO à engager, liquider et mandater les dépenses d’investissements et à procéder aux versements des subventions de fonctionnement aux associations de l’agglomération. Le conseil de communauté s’est aussi penché sur les créances irrécouvrables, pour un montant total de 176 159,84 € et les créances éteintes, atteignant en tout 5 517,25 € pour les exercices 2007 à 2014, dans l’ancienne mandature de la collectivité.

Le tableau des emplois de la collectivité a été adaptée aux nouveaux besoins. Il prévoit entre autres un glissement des postes vers les catégories supérieures. Ce qui fait réagir vivement l’opposition municipale et communautaire par les voix de Mme Malgorn et de M. Marc Berthelot. Mme Malgorn dénonce une « charge de personnels qui continue à augmenter ». Elle affirme que « la seule prise en compte des qualifications et de l’ancienneté entraîne un glissement annuel des dépenses de la collectivité de près de 2 % ». Marc Berthelot ajoute : « La réalité c’est que dans le même temps vous augmentez sans cesse la charge de personnel par un glissement de catégorie, tel que cela ressort du tableau des emplois que vous nous proposez également aujourd’hui d’approuver ».

Marc Coatanéa, du groupe socialiste pointe les contradictions de la droite brestoise : « La droite brestoise n’est jamais à un recul près sur ses déclarations, car après avoir réclamé une police municipale lors des dernières élections municipales elle nous dit que des départs à la retraite doivent se faire dans les effectifs de personnels de la collectivité ». Et il recadre les choses : « Un agent de catégorie C dans notre collectivité touche 1 900 € net par mois avec les primes alors qu’un agent de catégorie A en début de carrière ne touche que 1 700 € net par mois ».

Enfin face aux hausses des différents tarifs des services publics, en particulier ceux de mise à disposition des bacs pour l’année 2015 pour les usagers et leur mise à disposition ponctuelle à des organismes divers pour l’organisation de manifestations ou festivités, prévus par une délibération de ce conseil, Marc Berthelot, du groupe RPB, s’insurge dans un long réquisitoire : « Dans un contexte budgétaire tendu, cela a été rappelé, marqué par une baisse sans précédent des dotations de l’État vous avez choisi de poursuivre cette politique, déconnectée du réel, que nous dénonçons régulièrement : celle de l’augmentation systématique des tarifs des services publics payés par les Brestois(es) et par les entreprises. Il est tant que cela cesse, car ceci devient pour beaucoup d’entre eux intolérable ! Intolérable pour les familles, intolérable pour les entreprises … toutes deux moteurs essentiels du tissu économique local. Alors que leur situation devrait vous inciter à plus de modération dans les tarifs et à plus de prudence dans vos choix budgétaires on assiste à tous le contraire … Qui plus est, avec un manque de rigueur, j’aurais pu dire de sérieux, confondant ». Puis il pointe les contradictions dans les chiffres de l’inflation : « On s’aperçoit alors que, de façon incompréhensible, cette inflation n’est manifestement pas la même pour tous ! Alors que ce taux d’inflation est de 0,80 % environ au niveau national il serait – exception brestoise oblige sans doute –, de 1,6 % à Brest et de 1 % à BMO. Est-ce sérieux ! » S’exclame et s’interroge l’élu de l’opposition.

Puis il poursuit : « Mais le plus souvent, ces augmentations sont justifiées par la mécanique inéluctable, et surtout très pratique, du taux directeur. Pratique, parce que difficilement vérifiable, il justifie tout. Pratique, parce que lui-même à deux vitesses si je puis dire (2 % pour les services à forte composante de main d’œuvre et 1,6 % pour les services à faible composante de main d’œuvre) il autorise tout. L’augmentation des tarifs de mise à disposition de bac pour l’année 2015. Si ces augmentations systématiques, en dépit des réalités économiques sont destinées un tant soit peu, à atténuer les baisses de dotation dont il a été question tout à l’heure, et donc à faire supporter le désengagement de l’État sur nos concitoyens, au lieu de faire des économies par ailleurs, il faut le dire. Manque de rigueur disais-je ! Manque de sincérité aussi. Vous nous expliquez, pour justifier de telles augmentations, que vous n’y pouvez en somme rien, l’évolution des taux directeurs n’étant que la traduction de l’évolution normale des charges de personnel. Nous refusons de vous suivre sur ce chemin. Nous voterons contre cette délibération, ainsi que contre toutes celles qui lui sont semblables ».

En conséquence, il y a bien le feu dans la maison de Brest Métropole Océane (BMO) et les élus courent tous azimuts dans des directions opposées pour éteindre l’incendie de la dette. Même si on est dans la période de Noël, il ne faut pas trop se raconter de contes sur la situation budgétaire alarmante de l’agglomération.

Marc Gidrol

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