À initiative des étudiants en master 2 de droit privé
fondamental de l'UBO à Brest, une journée d'études
particulièrement intéressante était organisée vendredi 6 mai au
Tribunal de Grande Instance (TGI) de Brest sur « le secret et
le droit : morceaux choisis ». Je m'y suis rendu et je
vous en fais ici le compte-rendu très synthétique.
Le secret est une notion ambiguë et délicate à trancher en droit. Si chacun a « le droit au secret », chacun a aussi « le droit de savoir », notamment lors de procès au pénal. C'est pourquoi un secret devient automatiquement un problème lors d'une enquête judiciaire puisque la collecte et la production de preuves relèvent d'enjeux différents suivant les affaires pénales ou civiles. Il faut savoir que « la vérité n'est pas la finalité première du procès », selon M. Jean-Baptiste Queginer, professeur de droit privé à l'UBO. La balance législative penche du côté du droit au secret tandis que la balance judiciaire est du côté de la vérité.
Cette journée d'études était divisée en trois grandes parties : le secret et le droit des personnes, le secret et le droit des affaires et enfin le secret en droit pénal.
En même temps qu'il y a un droit à l'information, jamais autant claironné qu'à notre époque où avec l’essor d'Internet et du numérique, nous vivons dans une société de la transparence, du « tout vu, tout connu », pourtant la « transparence est la sœur jumelle de la tyrannie », comme l'a très justement pronocée Mme Astrid Marais, Professeur de droit privé à l'UBO et directrice du master de droit privé fondamental. Elle explique que la liberté va de pair avec le secret parce que « le secret désinhibe au même titre que le vin. Le secret donne confiance et en donnant confiance il confère la liberté ».
L'article 9 du Code civil garantit d'ailleurs que « chacun a le droit à sa vie privée ».Ce droit est aussi protégé par la convention européenne des droits de l'homme et la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Et pourtant, ce droit au secret peut être remis en question dans les affaires opposants les enfants nés sous x avec leur mère biologique ou les donneurs dans le cas de dons de gamètes, les époux en droit du mariage, et les salariés par rapport à leur employeur au sujet de leur correspondance privée sur le lieu de travail. Mademoiselle Alix Coat, Doctorante en droit privé fondamental rappelle que « le droit au secret pour le don de gamètes est un droit reconnu par le Conseil constitutionnel ». Et « l'anonymat de la mère accouchant sous x est aussi un droit depuis le décret loi de 1941 » pris par le régime de Vichy à l'époque. « La loi est faite pour que le couple receveur de gamètes reste dans le secret aussi… pour la paix des familles », stipule la jeune doctorante.
Pour le secret de la personne mariée opposé à son conjoint, Mme Christelle Leprince, jeune Maître de conférences en droit très talentueuse à l'UBO, assure aussi qu'en droit du mariage, l'époux a le droit au secret, à son intimité. Mais, prévient-elle, « le droit condamne parfois le secret gardé par l’époux avant le mariage ». « Par exemple, la dissimulation après le mariage de l'état de santé de l'autre partenaire peut conduire à l'annulation du mariage », ajoute la brillante juriste. Elle rappelle notamment les devoirs attachés au contrat du mariage : le devoir de contribution au mariage, le devoir de fidélité — cela va sans dire ! —, le devoir de respect, etc. Ce qui renforce le droit au secret. En matière de trahison conjugale, la preuve doit être prouvée. Mais, « l'époux ne peut pas capter ou enregistrer des paroles de sa conjointe, de filmer celle-ci par un système de vidéo-surveillance dans l'espace de la vie privée ». En revanche, « les lettres missives comme les journaux intimes ou les courriels peuvent être des preuves en justice », énonce encore la rigoureuse maître de conférences en droit promis à un très bel avenir universitaire.
En ce qui concerne le secret, la non moins talentueuse Mme Cécile Hablot, maître de conférences en droit aussi, a très bien expliqué que "l'employeur a le droit de consulter des messages du salarié, d'ordre privé, sauf si ils ont été envoyés ou reçus sur une messagerie personnelle et non professionnelle, et même si celle-ci est consultée sur un ordinateur professionnel". « Depuis l'arrêt Nikon du 2 octobre 2001, le salarié a droit à sa vie privée sur son lieu de travail et l'employeur ne peut demander à contrôler la messagerie du salarié même si celle-ci est professionnelle, conforme en cela à l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme », rappelle là aussi la toute jeune juriste de l'UBO.
Toutefois cette protection de la vie privée du salarié est fortement nuancée par l'arrêt de la Cour de Cassation du 30 mai 2007 stipulant que tout fichier informatique et emails qui n'ont pas été expressément titrés comme d'ordre personnel peuvent être ouverts par l'employeur. Ceci pour prévenir d'un dommage pour l'entreprise ou d'une trahison du salarié. Si le courriel provient d'une messagerie personnelle, même si il est intégré au disque dur de l'ordinateur professionnel, l'employeur ne peut pas demander à le voir là. C'est la seule garantie apportée au respect de la vie privée du salarié sur son lieu de travail.
Selon une célèbre formule, la bonne marche d'une société veut que « le patient trouve un médecin, le plaignant un avocat et le catholique un confesseur ». De là l'utilité, voire la nécessité du secret professionnel. C'était l'objet de la seconde partie de la réflexion sur le secret et le droit des personnes. Cette réflexion était menée à travers deux exemples : celui du médecin et du Ministre des cultes.
Le médecin est tenu au secret par le serment d'Hippocrate, qui ordonne à celui-ci de ne rien divulguer de ce que lui dit le patient dans l'espace professionnel. Mme Marion Cottet, professeur de droit à l'UBO, énonce que « ce secret contribue à servir la santé publique ». Et que ce secret est plus solide quant il est un devoir professionnel, pour le médecin, qu'un droit, pour le patient. Ce dernier peut révéler la teneur de ses échanges avec son médecin à des tiers, rien ne l'y interdit. Le patient peut renoncer à ce droit.
En ce qui concerne le Ministre du culte, celui-ci est tenu au secret aussi par le droit canonique. Mais le secret de la confession au prêtre, en droit pénal, doit être révélé aux autorités compétentes, si : la proche commission d'un crime peut être évité et en cas de mauvais traitements infligés à des mineurs de moins de 15 ans, qui sont fragiles de par leur facultés intellectuelles et physiques moins développés. Le droit de la France, État laïc depuis 1905 par la loi de la séparation de l'Église et de l'État, prévaut sur le droit canonique de l'Église.
En ce qui concerne la presse, la jurisprudence est toujours favorable à son encontre. Mais en droit pénal, où le secret de l'enquête doit prévaloir, la presse n'a pas le droit de divulguer des éléments du procès. Selon le Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance (TGI) de Brest, M. Eric Mathais, "un journaliste a été dans une affaire poursuivi pour recel de violation du circuit de l'information ». Je ne sais pas si il s'agit d'un journaliste de Brest ?
Le 3ème alinéa de l'article 11 du Code pénal prévoit qu'afin d'éviter la diffusion d'informations parcellaires, le Procureur de la République peut communiquer des éléments de l'affaire à la presse par des conférences de presse ou des communications devant toute juridiction. Par exemple, M. Mathais rappelle qu'il a déjà eu à intervenir auprès du Tribunal de Commerce dans une affaire.
Enfin, en droit des affaires, le secret est une notion clé aussi. Comme l'ont rappelé Me Bertrand Audren, Bâtonnier de l'Ordre des avocat du barreau de Brest et M. Jean-Pierre Blin, Conseiller juridique de la banque en ligne Fortunéo, du groupe Crédit Mutuel Arkéa.
Marc Gidrol
Le secret est une notion ambiguë et délicate à trancher en droit. Si chacun a « le droit au secret », chacun a aussi « le droit de savoir », notamment lors de procès au pénal. C'est pourquoi un secret devient automatiquement un problème lors d'une enquête judiciaire puisque la collecte et la production de preuves relèvent d'enjeux différents suivant les affaires pénales ou civiles. Il faut savoir que « la vérité n'est pas la finalité première du procès », selon M. Jean-Baptiste Queginer, professeur de droit privé à l'UBO. La balance législative penche du côté du droit au secret tandis que la balance judiciaire est du côté de la vérité.
Cette journée d'études était divisée en trois grandes parties : le secret et le droit des personnes, le secret et le droit des affaires et enfin le secret en droit pénal.
En même temps qu'il y a un droit à l'information, jamais autant claironné qu'à notre époque où avec l’essor d'Internet et du numérique, nous vivons dans une société de la transparence, du « tout vu, tout connu », pourtant la « transparence est la sœur jumelle de la tyrannie », comme l'a très justement pronocée Mme Astrid Marais, Professeur de droit privé à l'UBO et directrice du master de droit privé fondamental. Elle explique que la liberté va de pair avec le secret parce que « le secret désinhibe au même titre que le vin. Le secret donne confiance et en donnant confiance il confère la liberté ».
L'article 9 du Code civil garantit d'ailleurs que « chacun a le droit à sa vie privée ».Ce droit est aussi protégé par la convention européenne des droits de l'homme et la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Et pourtant, ce droit au secret peut être remis en question dans les affaires opposants les enfants nés sous x avec leur mère biologique ou les donneurs dans le cas de dons de gamètes, les époux en droit du mariage, et les salariés par rapport à leur employeur au sujet de leur correspondance privée sur le lieu de travail. Mademoiselle Alix Coat, Doctorante en droit privé fondamental rappelle que « le droit au secret pour le don de gamètes est un droit reconnu par le Conseil constitutionnel ». Et « l'anonymat de la mère accouchant sous x est aussi un droit depuis le décret loi de 1941 » pris par le régime de Vichy à l'époque. « La loi est faite pour que le couple receveur de gamètes reste dans le secret aussi… pour la paix des familles », stipule la jeune doctorante.
Pour le secret de la personne mariée opposé à son conjoint, Mme Christelle Leprince, jeune Maître de conférences en droit très talentueuse à l'UBO, assure aussi qu'en droit du mariage, l'époux a le droit au secret, à son intimité. Mais, prévient-elle, « le droit condamne parfois le secret gardé par l’époux avant le mariage ». « Par exemple, la dissimulation après le mariage de l'état de santé de l'autre partenaire peut conduire à l'annulation du mariage », ajoute la brillante juriste. Elle rappelle notamment les devoirs attachés au contrat du mariage : le devoir de contribution au mariage, le devoir de fidélité — cela va sans dire ! —, le devoir de respect, etc. Ce qui renforce le droit au secret. En matière de trahison conjugale, la preuve doit être prouvée. Mais, « l'époux ne peut pas capter ou enregistrer des paroles de sa conjointe, de filmer celle-ci par un système de vidéo-surveillance dans l'espace de la vie privée ». En revanche, « les lettres missives comme les journaux intimes ou les courriels peuvent être des preuves en justice », énonce encore la rigoureuse maître de conférences en droit promis à un très bel avenir universitaire.
En ce qui concerne le secret, la non moins talentueuse Mme Cécile Hablot, maître de conférences en droit aussi, a très bien expliqué que "l'employeur a le droit de consulter des messages du salarié, d'ordre privé, sauf si ils ont été envoyés ou reçus sur une messagerie personnelle et non professionnelle, et même si celle-ci est consultée sur un ordinateur professionnel". « Depuis l'arrêt Nikon du 2 octobre 2001, le salarié a droit à sa vie privée sur son lieu de travail et l'employeur ne peut demander à contrôler la messagerie du salarié même si celle-ci est professionnelle, conforme en cela à l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme », rappelle là aussi la toute jeune juriste de l'UBO.
Toutefois cette protection de la vie privée du salarié est fortement nuancée par l'arrêt de la Cour de Cassation du 30 mai 2007 stipulant que tout fichier informatique et emails qui n'ont pas été expressément titrés comme d'ordre personnel peuvent être ouverts par l'employeur. Ceci pour prévenir d'un dommage pour l'entreprise ou d'une trahison du salarié. Si le courriel provient d'une messagerie personnelle, même si il est intégré au disque dur de l'ordinateur professionnel, l'employeur ne peut pas demander à le voir là. C'est la seule garantie apportée au respect de la vie privée du salarié sur son lieu de travail.
Selon une célèbre formule, la bonne marche d'une société veut que « le patient trouve un médecin, le plaignant un avocat et le catholique un confesseur ». De là l'utilité, voire la nécessité du secret professionnel. C'était l'objet de la seconde partie de la réflexion sur le secret et le droit des personnes. Cette réflexion était menée à travers deux exemples : celui du médecin et du Ministre des cultes.
Le médecin est tenu au secret par le serment d'Hippocrate, qui ordonne à celui-ci de ne rien divulguer de ce que lui dit le patient dans l'espace professionnel. Mme Marion Cottet, professeur de droit à l'UBO, énonce que « ce secret contribue à servir la santé publique ». Et que ce secret est plus solide quant il est un devoir professionnel, pour le médecin, qu'un droit, pour le patient. Ce dernier peut révéler la teneur de ses échanges avec son médecin à des tiers, rien ne l'y interdit. Le patient peut renoncer à ce droit.
En ce qui concerne le Ministre du culte, celui-ci est tenu au secret aussi par le droit canonique. Mais le secret de la confession au prêtre, en droit pénal, doit être révélé aux autorités compétentes, si : la proche commission d'un crime peut être évité et en cas de mauvais traitements infligés à des mineurs de moins de 15 ans, qui sont fragiles de par leur facultés intellectuelles et physiques moins développés. Le droit de la France, État laïc depuis 1905 par la loi de la séparation de l'Église et de l'État, prévaut sur le droit canonique de l'Église.
En ce qui concerne la presse, la jurisprudence est toujours favorable à son encontre. Mais en droit pénal, où le secret de l'enquête doit prévaloir, la presse n'a pas le droit de divulguer des éléments du procès. Selon le Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance (TGI) de Brest, M. Eric Mathais, "un journaliste a été dans une affaire poursuivi pour recel de violation du circuit de l'information ». Je ne sais pas si il s'agit d'un journaliste de Brest ?
Le 3ème alinéa de l'article 11 du Code pénal prévoit qu'afin d'éviter la diffusion d'informations parcellaires, le Procureur de la République peut communiquer des éléments de l'affaire à la presse par des conférences de presse ou des communications devant toute juridiction. Par exemple, M. Mathais rappelle qu'il a déjà eu à intervenir auprès du Tribunal de Commerce dans une affaire.
Enfin, en droit des affaires, le secret est une notion clé aussi. Comme l'ont rappelé Me Bertrand Audren, Bâtonnier de l'Ordre des avocat du barreau de Brest et M. Jean-Pierre Blin, Conseiller juridique de la banque en ligne Fortunéo, du groupe Crédit Mutuel Arkéa.
Marc Gidrol
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