Un représentant de l’association Henri Pezerat, regroupant les anciens travailleurs de la Marine nationale victimes des radiations nucléaires, Francis Talec, a pris la parole avant le début de la séance du conseil municipal de mardi 11 février pour attirer l’attention des pouvoirs publics, y compris municipaux, sur la situation tragique de ces personnes. Pour celles-ci, qui ont été en contact avec des radiations nucléaires, « les effets délétères peuvent apparaître plusieurs années, voire plusieurs dizaines d’années après l’exposition », comme l’a rappelé le représentant de cette association, lui-même victime de ces radiations et n’entendant plus très bien.
Il évoque aussi une étude en cours du ministère de la Défense sur l’exposition à l’amiante, on le sait aujourd’hui hautement cancérigène sans protections. Il déplore de n’avoir eu aucune réponse du ministère de la Défense sur leurs interrogations malgré l’intervention de la députée de Brest ville, Mme Patricia Adam (PS), par ailleurs présidente du groupe parlementaire chargé des questions de Défense à l’Assemblée nationale et de celle de Patrick Appéré, conseiller municipal (Brest Nouvelle citoyenneté), 6ème adjoint au maire de Brest en charge des sports. Il rappelle la classification des maladies professionnelles du ministère de la Défense , à savoir : « la leucémie, le cancer des os et le cancer pulmonaire ». « Cette classification de 1931, c'est-à-dire de l’époque de Marie Curie, n’évolue même pas ». « Nous demandons la levée du secret défense ». « La vérité, le ministère de la Défense le doit aux victimes », défend M. Talec.
Maxime Paul, du groupe des élus communistes de Brest et de BMO réagit à cette intervention. « Le Parti communiste français (PCF) se bat contre l’arme nucléaire en France et partout dans le monde », rappelle-t-il. L’engagement des communistes sur ce sujet (depuis 1950) a été tel que leur présence a été « interdite pendant plus de 20 ans sur l’Île longue à partir d’une décision de Michel Debré », Premier ministre de 1958 à 1962. « Il y a besoin de lier la question environnementale avec celle de la santé au travail », insiste M. Paul. La liste des maladies professionnelles n’est pas close pour lui, « demain on pourra en connaître d’autres à travers d’autres problèmes, je pense à la céramique, au chrome, etc. ». Évoquant aussi le nucléaire civil, il en déduit que « cette question montre que les choses doivent être faites dans la transparence, et la meilleure garantie de la transparence est que cela se fasse par le service public ». Quant à Laurent Prunier du groupe de l’UDC, il donne « rendez-vous à Francis Talec et à ses camarades ».
Après cette intervention de victimes du nucléaire lourde en gravité, le maire, François Cuillandre, candidat à sa propre succession a souhaité remercier toute l’équipe du conseil municipal pour ce dernier conseil de la mandature : « Les débats ont pu être rugueux mais ils ont toujours été respectueux. Il y a à Brest une majorité et une opposition… et je dirais même des oppositions » (rires dans la salle du conseil municipal et dans la partie publique). M. Cuillandre « salue aussi les élus qui ont décidé de ne pas être candidat à cette élection, certains sont avec nous depuis 1989 ».
C’est le cas d’Alain Jouis, du groupe Brest Nouvelle Citoyenneté (autre composante des élus communistes à la ville), qui était élu de la ville depuis cette date et qui « en plein accord avec BNC, (a) préféré laisser la main à d’autres ». « Tout n’a pas été rose entre nous, il y a eu des claquements de portes, mais les deux projets qui m’ont été les plus chers pendant cette dernière mandature, ce sont les aliments bio servis dans les cantines des écoles brestoises et le projet d’éducation locale, encore pour tout, merci », conclut l'élu. Salve nourrie d’applaudissements pour saluer ce serviteur infatigable et désintéressé de la ville de Brest, même dans les rangs de l’opposition municipale. Les élus, toutes tendances confondues, savent reconnaître parfois ceux d’entre eux qui ont un sens aigu du service public doublé d’une personnalité exceptionnelle.
Jacques Quillien, maire des Quatre Moulins sur la rive droite et conseiller municipal depuis 25 ans a décidé aussi de ne pas se représenter pour un nouveau mandat. Il remercie le maire de « la confiance que vous nous accordez à chacun d’entre nous, avec des échanges respectueux même avec l’opposition, tellement respectueux que l’un d’entre eux sera dans votre équipe ». Il précise, « connaissant Fortuné Pellicano depuis au moins 1989 je sais qu’il a des qualités humaines et qu’il vous sera un partenaire loyal ». Le renégat de la droite a été bien adopté par l’équipe socialiste municipale en place. Là encore salve d’applaudissements de tout le conseil municipal.
Sur ces belles paroles, le conseil municipal a débuté par le vote en faveur de l’adoption du statut de Métropole accordé à Brest Métropole Océane (BMO), votée à l’unanimité. M. le maire, François Cuillandre a rappelé les critères requis pour être classé en Métropole ou EPCI (Etablissement public de coopération intercommunale). Il faut que l’agglomération compte au moins 400 000 habitants pour une zone d’emplois, qu’elle exerce des fonctions métropolitaines dans les domaines de la recherche, de l’enseignement supérieur, de la santé, des transports, de la culture et qu'elle soit située à plus de 250 km des autres métropoles.
C’est le cas de Brest pour tous ces critères. La zone d’emplois du pays de Brest compte 466 090 habitants d’après le dernier recensement de l’Insee, celui de 2011. L’agglomération exerce des fonctions importantes rayonnant bien au-delà de son territoire proprement dit. Ifremer et l’Université européenne de la mer sont des gages de l’excellence de la recherche marine à Brest. L’Université de Bretagne occidentale (UBO) et les grandes écoles d’ingénieurs comme l’Enib ou Sup Télécom et de commerce font de Brest un pôle important de l’enseignement supérieur rayonnant même au-delà de la Bretagne et de la France. L ’aéroport de Brest a compté environ un million de voyageurs en 2013. Le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Brest est renommé dans la lutte contre le cancer et dans d’autres spécialités. « Brest est l’EPCI le mieux intégré de France », stipule même François Cuillandre.
Anne-Marie Kervern de l’UDB (Union démocratique bretonne) se félicite de cette décision, « qui rééquilibre la Bretagne , préserve les grands ensembles, mais pour nous il faut inclure aussi dans ce schéma Nantes ». Rappelons que le statut de métropole pour BMO a été retenu par le gouvernement pour Brest et s’est concrétisé lors de la signature du Pacte d’Avenir pour la Bretagne, le 13 décembre dernier. Rappelons aussi que c’est grâce à des amendements de députés socialistes pour permettre à un plus grand nombre de villes d’être classées en tant que métropoles, et votés par le Parlement l’été dernier, que BMO a pu accéder à cette classification.
La 2ème délibération, celle du budget primitif 2014 de la ville a fait plus débat au sein du conseil municipal.
Jean-Luc Polard, l’éternel « bon comédien », dixit Laurent Prunier, présente les chiffres de ce budget. « La situation financière est saine mais les problèmes risquent de s’accroître du fait de dotations de l’État qui diminuent ». 20 millions d’euros sont consacrés à l’investissement. « La capacité d’épargne est d’un bon niveau quoique en recul », selon M. Polard. 20,8 millions d’€ vont pour le recouvrement annuel de la dette. L’endettement de la ville est de 4,5 années. Pour ce qui est du coût des projets, le fonctionnement de la crèche de Pen-ar-Créach est estimé à 200 000 €. Pour l’investissement de la future médiathèque des Capucins, la ville table sur 8,94 millions d’euros. L’espace Enfance association du quartier de l’Europe coûte à la ville 500 000 €.
Au total, pour M. Polard, « c’est un bon bilan financier de fin de mandat ».
Laurent Prunier contre-attaque en contestant les chiffres de ce budget. Sur la réforme du rythme scolaire par exemple, « vous estimez à 920 000 € le coût de cette réforme mais dans la réalité on est plutôt autour de 1,2 millions d’€ ». Il proteste aussi : « Il est normal pour vous que l’État réduise sa voilure et ses charges, mais cela ne l’était pas pour vous avant 2012 ». Suivez mon regard. « Les dépenses ne feront qu’augmenter à l’avenir, par exemple en rapport avec la médiathèque des Capucins, le recours à l’emprunt va augmenter, bref nous voterons contre ce budget », affirme M. Prunier. Avant d'émettre le vœu de voir "le maire actuel et son équipe siéger dans l'opposition après les élections municipales".
Il demande aussi des comptes à propos des fêtes maritimes : « La question se pose de la voilure et du financement pour les fêtes maritimes de 2016 », demande l’élu de droite qui est aussi candidat à la mairie. L’ambitieux de la droite brestoise interpelle les élus de la gauche du parti socialiste : « Les communistes sont pour le programme commun et Brest Nouvelle Citoyenneté est d’habitude plus critique. Alain Jouis ne mangeait que très rarement son chapeau ». Ce à quoi François Cuillandre rétorque : « Nous sommes dans des partis différents mais nous sommes unis, alors qu’à droite je ne compte plus les différents groupes, j’en perds même mon latin ».
Brigitte Hû, de la droite brestoise mais plus de l’UDC, juge que « le budget de la ville est une coquille vide au profit de BMO ». « On peut en déduire que vous n’êtes pas un maire hermaphrodite comme Bertrand Delanoë ». Elle émet aussi un jugement négatif sur l’attractivité du centre-ville « dépeuplé de ses habitants », où ne passe plus que le « luxueux tortillard qui tourne à vide (ndlr, le tramway) ». Elle pointe du doigt « le commerce des drogues se faisant à ciel ouvert sous les fenêtres mêmes de la mairie ». En matière de sécurité, elle accuse aussi le laxisme du maire : « 38 % d’augmentation des vols avec violence sur l’axe Jaurès/Siam, cela ne vous paraît-il pas assez suffisant pour intervenir ». François Cuillandre avoue n’avoir « écouté que d’une oreille distraite les propos de Mme Hû ».
Bref, comme on dit en anglais, « the last but not the least », ce fut bien le dernier conseil municipal de la seconde mandature de François Cuillandre, mais riche en perles et petites phrases qui font le bonheur des commentateurs politiques locaux.
Marc Gidrol
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